L’empire du mensonge

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Bien avant de tomber sous le charme de Freud et Jung, « pouvoir illimité » d’Anthony Robbins, mon premier livre de « psychologie » marqua profondément ma moralité comme ma vision du monde. Encore adolescent, avec une estime de soi dans les chaussettes, j’étais traversé par toute une foule d’émotions « négatives ». Et là, dans ce livre j’apprenais que tout ça n’était que reflexe conditionné, et qu’il suffisait de quelques techniques, d’une bonne dose volonté et bientôt je pourrai sentir ce que je voudrai quand je le voudrai. Même si j’étais sans le moindre contrôle sur mes circonstances extérieures, à en croire l’auteur, je pouvais changer la manière dont j’y réagissait. Avec la PNL, abréviation de Programmation Neuro Linguistique, j’allais pouvoir reprogrammer tout les conditionnements douloureux imprimés en moi par mes parents et mon environnement. J’allais devenir maitre de mon domaine, dieu de mon petit univers.

Quand je parlais de la PNL autour de moi, les réactions étaient des fois négatives, le mot « Programmation » avait tendance à hérisser le poil de certains, et les techniques proposées se voyaient souvent jugées comme étant manipulatoires. Personnellement, du moment que c’était moi qui contrôlais la manipulation, je n’avais pas d’objection. J’avais été manipulé à croire et à sentir certaines choses, et maintenant je me manipulais pour voir la vie autrement. C’était censé m’aider à aller mieux, alors où était le problème ? Au diable les postures vertueuses, surtout quand elles n’ont aucune alternative à proposer !

J’avais trouvé ma voie, ma religion et rapidement je me suis fait évangéliste zélé de celle-ci. Avant même de me rêver thérapeute, j’étais heureux de partager mes trouvailles, mes techniques et mes croyances avec quiconque était intéressé. Bientôt trente ans après la lecture du livre d’Anthony Robbins, certaines techniques de PNL trouvent encore une place dans ma pratique, mais j’ai pour cette approche un regard bien moins enthousiaste.

et comme ça, en un claquement de doigt, GM est devenu une montagne de muscles

La vision de l’adolescent que j’étais des principes de la PNL parle peut être moins de la technique que de ma personnalité, mais, elle est tout de même fortement connectée aux dérives du développement personnel et d’une vision consumériste de la santé mentale. Je paye mon coach et donc je veux des résultats. Je veux être un gagnant et je veux ne sentir que du positif. Tout ce qui pourrait rappeler de près ou de loin mes failles et mes doutes quant à ma valeur doit être repoussé le plus loin possible.

Mon passé, c’est mon passé, rien de ce que je fais ne peux le changer, par contre je peux modifier ma réaction à celui-ci. Avec la PNL, l’idée c’était de trouver des approches plus efficaces, des approches empruntées aux gagnants et aux meilleurs, puis de trouver le moyen greffer ça de manière durable chez le consultant. Et pour ce faire, il est important d’avoir fait place nette. Une des premières étapes du travail, c’est de prendre le temps de reconnaitre la nature de l’ancienne réaction et de comprendre ce qu’elle avait pu apporter lors de son heure de gloire.

Ce temps de réflexion pour comprendre la source et le sens est une idée précieuse, fondamentale même, hélas, la plupart du temps, c’est une formalité vite expédiée. Le thérapeute ou le coach l’évoque, pose deux ou trois questions, mais sans temps alloué pour pouvoir creuser, vivre et sentir, les réponses sont généralement superficielles et l’essentiel est zappé.  

En analyse, par contre, on prend le temps de creuser, en fait souvent on ne fait pas grand-chose d’autre. On pèle l’oignon une couche après l’autre et durant ce travail sans fin, on risque de se perdre dans les méandres labyrinthiques de notre pensée et de se retrouver ensevelis sous une peine infinie lors d’un éboulement de terrain. Entre ces deux approches presque opposées, j’aime bien contempler une voie inspirée hérité de la philosophie du docteur House personnage principal de la série du même nom : tout le monde ment.

L’homme ment, il ment comme il respire. Il ment à ses semblables mais il se ment surtout à lui-même. Il ment pour tout, il ment pour rien.

Vous avez sans doute déjà vu dans des films, séries ou livres, des personnages pris dans la spirale du mensonge. Pour couvrir un premier en apparence bénin, il vont en prononcer un autre, pire encore, et celui-ci va les obliger à mentir de nouveau, encore et encore, jusqu’à ce que ils se retrouvent invariablement acculé au bord du gouffre. C’est l’histoire de ces personnages fictifs, mais aussi celle de ma vie, et sans doute celle de la vôtre aussi.

Quelle affirmation scandaleuse, n’est-il pas ?

A mon avis ce n’est pas tant les horreurs vécues qui nous foutent en l’air que la manière dont on y réagit. Les souvenir de ces moments peuvent nous hanter un temps, mais finissent généralement par se faire de moins en moins insistants, par contre ce qui va nous rester c’est les leçons qu’on en a tiré, c’est les crispations et les « plus jamais ça ! » C’est la manière dont on s’est adapté, et dont on a entièrement reconfiguré notre vision du monde pour rendre la situation tolérable. Ces règles, ces raisons, sont souvent autant de simplifications du réel, de mensonges pour la bonne causes, aidants pendant un temps, puis étouffant pendant longtemps.

Je n’ai pas beaucoup de souvenirs de mon passage par l’école primaire, mais une scène m’a marqué. C’est la récréation. Assis sur un trottoir, je discute avec un ou une camarade et là, un gosse vennant me chercher des noises s’amuse à me marcher sur la main. Je ravale mes larmes et j’assène un « même pas mal » d’un air défiant. Et là, peut-être pas instantanément mais de manière indiscutable, la douleur et la vexation me quittent, je suis galvanisé. Des douleurs de ma main, je ne sens plus rien. J’en viens même à inviter le gosse à marcher encore dessus pour qu’il voit à quel point je suis indifférent à ses tentatives pour me blesser. Dans ma légende personnelle c’est un moment séminal, c’est le moment où j’ai compris le pouvoir incroyable des affirmations péremptoires, de cette rébellion contre un réel agaçant et de ma capacité à m’anesthésier contre tout et n’importe quoi.

L’anesthésie c’est fantastique mais ça a de sacré limites :

  • on se prive d’un signal supposé nous guider pour changer notre situation.
  • il y a des dommages collatéraux : on ne dézingue pas qu’une seule émotion mais un secteur complet. Et si on peut arriver à s’en ficher de la situation X, quand celle ci s’améliorera, on se retrouvera privé de la joie et du soulagement accompagnant cette victoire.
  • Ce n’est pas parce qu’on a perdu la capacité de ressentir, qu’il ne se passe rien en nous, on n’en est juste coupé. On vit ailleurs.

Le monde autour de nous est vaste, riche, et regorge de merveilles comme d’horreurs. Nous vivons chacun dans nos petites bulles, d’où nous ne regardons qu’une partie du monde, mais aussi roses soient nos lunettes, tôt ou tard, nous somme frappés de plein fouet par l’absurdité, la cruauté, l’injustice et la folie environnante. Le monde est ainsi fait, on aura beau critiquer, tempêter, militer, il restera égal à lui-même et ça sera à nous de nous y adapter. Au mieux, on pourra ajuster notre bulle et éjecter de nos vies et nos consciences les détails dérangeants.

Dès notre premier jour, nous avons dû faire avec un monde qui peut être particulièrement déconcertant, frustrant voir violent et destructeur à notre égard. Un monde extérieur aux règles peu claires qui n’a rien à envier question absurdité avec celui qui s’agite dans notre for intérieur. Mille émotions, pensées, sensations nous traversent et nous n’avons sur elles un contrôle, somme toute, que très relatif. A l’extérieur comme à l’intérieur tout est traitre et changeant. Et nous, nous devons vivre avec, nous devons trouver un équilibre, nous devons ajuster nos pensées, nous devons faire sens, nous devons prévoir, pour mieux faire et améliorer le quotient jouissance/souffrance de notre existence.

Donner du sens, trouver les règles a un effet radicalement apaisant. Le brouillard nébuleux se fait d’un coup stable et solide. On peut enfin avoir des repères et ajuster. En trouvant les règles du jeu, nous pouvons enfin nous adapter et pousser notre angoisse existentielle à l’extérieur de notre territoire. Le monde et ses règles, ça, c’est du lourd, surtout pour un enfant. Heureusement pour nous, nos parents ont été là pour nous guider et nous expliquer, et pendant tout notre âge tendre, ils ont passé leur temps à télécharger en nous leur morale et leur vision du monde.

Enfants, nous n’étions pas des petits sociologues, observant, émettant des hypothèses et inventant des expériences permettant de les vérifier. Nous n’étions pas conscient que la science est vivante et que lentement mais surement les règles doivent être ajustées et affinées pour coller à la réalité d’un monde sans cesse plus complexe. Enfants, et même des fois à des âges bien plus avancés, nous étions plus religieux que scientifiques. Nous adhérions aux dogmes de nos ainés (puis à l’adolescence à ceux de nos pairs) et il n’y avait souvent pas de discussion possible. D’ailleurs, notre vision sélective et le pouvoir attractif de notre pensée font qu’on a accumulé un paquet preuves nous confortant dans nos croyances, et ce jusqu’à un certain point… car nous ne sommes pas des demi dieux à même de refaçonner le monde. Nous avons essentiellement de belles œillères, mais celles-ci ne peuvent nous protéger de ce qui vient en face de nous pour s’imposer dans notre champ de vision restreint.

Les parties occultées de la réalité s’invitent de temps à autre dans notre champ de pensée, et même si on fait des efforts pour les ignorer, les bougresses savent insister. A mesure que le temps passes les contradictions s’accumulent et peuvent finir par nous immobiliser, nous paralyser complètement. Nous sommes pris dans une nuée de pulsions contradictoires. Bienvenue dans la nuit noire de notre âme. Pour en sortir, on peut tenter une embardée puérile, digne d’une crise de la quarantaine caricaturale en tentant une remise à zéro de nos conditions extérieures, nouvelle femme, nouveau job, nouvelle voiture, comme si on pouvait avoir de nouveau vingt ans, et renouer artificiellement avec ce qu’on imagine être notre heure de gloire. Cette voie semble plus sympa que l’opposée qui serait de devenir un vieux con, bataillant la jeunesse montante qui dans son exubérance ne sait rien reconnaitre des combats menés par ses ainés. Le genre de type à gémir que tout fout le camp et que la fin de la civilisation est proche ou à montrer les dents en hurlant « Jeune barbare, dégage de mon gazon! » Oui, redevenir jeune, ça semble préférable. La jeunesse est puissante, elle est immortelle, et comme on ne peut la vaincre, il vaut peut être mieux la rejoindre.

Le problème, c’est qu’on a l’âge qu’on a, et avec elle les responsabilités qui vont avec, par rapport à notre emploi, notre famille mais aussi par rapport à nous même. C’est à nous qu’il incombe de prendre soin de notre cœur et de notre âme en expansion. On ne peut annuler d’un claquement de doigts toute notre histoire, toute notre construction intérieure. On ne peut réanimer par la volonté le cadavre décomposé de notre innocence. Même si on n’ose se l’avouer, quelque part, on sait qu’on s’est construit sur une base mensongère. Les jeunes, ont détruit nos idoles et déboulonnés nos statues. Ils n’ont épargné aucune de nos vaches sacrées. Quelque part, c’est très bien, mais leurs dieux, leurs dogmes, leurs idéologies, sont aussi frelatées que les nôtres à leur âge, ce sont des idoles faites par des mains d’hommes imparfaits. Ils croient être le progrès comme si l’humanité avançait en ligne droite. Ils sont en mouvement certes, mais tiré par une tendance ou une autre invariablement dans quelques décennies d’avancée ils se retrouveront dans la direction opposée de celle, qui initialement les avait portées. Nous sommes sur Terre, tourner en rond est la règle plus que l’exception.

Pour traverser la nuit noire de notre âme il y a une autre possibilité : Cesser de vouloir gagner et d’être le gentil de l’histoire. Oui on pourrait cesser de croire à nos mensonges et à nos autojustifications. En déposant les armes et admettant notre impuissance comme notre incapacité à comprendre totalement le monde nous allons pouvoir ouvrir nos écoutilles et nos œillères et défaire le nœud coulant du mensonge serrant si fort autour de notre cou. Ça n’a rien d’évident car, d’une certaine manière, c’est aller à contre-courant de notre première directive : enfermer le réel dans des catégorisations dépassées (le vin neuf dans de vieilles outres). Les vieilles habitudes ont la vie dure, donc il ne faut pas s’attendre à ce qu’une bonne idée puisse changer radicalement la donne en quelque jours. Se débattre avec la nuit noire de notre âme n’est pas une grande bataille. Ça s’apparente plus à une guerre perpétuelle, non plus contre le réel mais contre nos vieilles loyautés. On gagne des batailles, et on en perd, mais à chaque fois le soleil finit par se lever, et un nouveau souffle est là pour nous porter.

Dans notre vie, il y a bien plus gênant que des erreurs d’appréciation et de catégorisation du monde extérieur, oui, il y a largement plus pénalisant. Il y a les mensonges intimes, toutes ces histoires que l’on se raconte sur nous même : notre identité, nos valeurs, nos sentiments et nos priorités.

Tous ces mensonges filtrent profondément les stimuli extérieurs, et changent la manière dont nous ressentons les choses. Ça peut être pour une main qui semble immunisée contre la douleur provoquée par la pression d’un talon mais aussi pour tout autre auto-anesthésie devant les mauvais traitements infligés par les gens, le monde et la vie.

Sauver notre couple et trouver une sorte de paix alors qu’on vit l’inacceptable, ça nécessite d’éteindre bien des signaux d’alarmes qui s’allument en nous pour notre propre protection. L’amour, la loyauté ou je ne sais quoi devient le dogme et tous les mensonges sont permis pour le justifier. Ceux-ci sont lourds de conséquences car ils nous aveuglent à nous même, pour cette relation comme pour les suivantes. Notre estime de soi se fait grignoter et généralement aura toutes les peines du monde à repousser. Accepter la violence morale une fois c’est mettre le doigt dans l’engrenage, c’est ouvrir la porte pour que ça devienne une habitude et pire encore, qu’on commence à la justifier, à en prendre la responsabilité. Corollaire immédiat : la culpabilité s’invite dans la danse, tant et si bien que la violence deviendra autant attendue que crainte, autant réconfortante que destructrice.

Personnellement ma main est loin d’être anesthésiée, donc des fois le mensonge peut naturellement se dissiper. D’autre fois, par contre il perdure, il métastase et se généralise. Lors d’une relation devant le danger émotionnel d’une rupture annoncée j’ai appris à me couper de mes sentiments amoureux et de mes rêves et envies à deux. Depuis, pendant longtemps j’ai observé qu’au moindre signe avant-coureur, au moindre ultimatum, c’était le shoot de morphine, et me voilà ailleurs. Complètement, indifférent. C’est comme si je n’aimais plus, c’est comme si je n’avais jamais aimé. Pour les victimes d’abus, la relation aura beau se terminer, souvent les schémas resteront, et le nouvel abuseur pourra reprendre le travaille de sape là où le précédent avait terminé. C’est comme si le mensonge avait pris racine.

A ce jour je n’ai pas d’idée claire sur ce qui fait qu’un tel poison se dissipe de lui-même ou non.

Ce problème n’affecte pas que les gens embringués dans des relations avec des partenaires destructeurs. Il n’y a pas que les pervers qui fautent et qui dérapent. Dans la plupart des couples la tentation de se mentir pour acheter la paix existe et beaucoup évitent le piège ou peuvent se permettre d’y mettre un doigt sans y laisser un bras. Et pour les autres ? C’est quoi leur problème ?

On oublie qu’avant de rencontrer notre premier ou notre première petite amie, on a déjà été en couple. On l’a été avec notre propre mère, et si dans l’immense majorité des cas, il n’y avait pas de composante sexuelle dans cette union, le degré d’intimité que nous avons partagé avec cette femme dépasse largement tout ce que l’on pourra vivre avec une autre personne. Une composante principale de l’intimité amoureuse c’est la vulnérabilité, être capable de tomber le masque et d’être vrai. Notre mère nous a connu avant que l’on commence à se déguiser. D’ailleurs, c’est elle qui nous a guidé dans la création de notre premier costume. C’est avec elle, généralement sans volonté consciente de sa part, qu’on a appris à mentir et à jouer le jeu. C’est avec elle aussi que nous avons fait l’expérience de la déchéance: après un soutien total, une fois sorti de sa matrice nous avons fait l’expérience de l’amour sous condition ou au moins d’un amour connaissant des variations suivant notre comportement. Ce n’est pas nécessairement que notre mère cessait de nous aimer si on ne se conformait pas à toutes ses attentes, c’est que d’autres sentiments venaient se mêler, et diluer l’amour complet. Une éclipse du cœur plus ou moins douloureuse.

Complètement dépendant d’elle, nous avons appris à mettre de côté nos besoins pour naviguer ses humeurs et ses envies. C’était le seul moyen de minimiser les pressions pouvant s’exercer sur ce cordon ombilical émotionnel invisible nous joignant encore à elle.

Il y a un fossé considérable entre mettre de côté momentanément et nier tout bonnement et simplement. C’est un fossé que nous avons souvent franchi, quand il est devenu évident que cette déesse au centre de notre vie, cette déesse faisant dix fois notre taille et notre poids, ne répondrait pas à notre besoin de manière fluide ni même sporadique. Continuer de sentir aurait été juste choisir de vivre dans un enfer dépourvu de porte de sortie. Même avec les meilleures dispositions du monde, même en étant épaulées les mères ont bien des difficultés à satisfaire 100% du temps l’appétit démesuré en attention et affection du petit enfant, alors les blessures s’accumulent. Elles sont des êtres humains et donc ont leurs angles morts, des domaines où elles sont vulnérables, et chez l’enfant et ses besoins ceux-ci se traduiront par des secteurs entiers non couverts, non alimentés. Des blessures profondes s’y inscriront, et avec elles quelques mensonges pour ne pas devenir fou de douleur( ou des fois pour préserver l’amour infini pour la déesse).

Un problème majeur avec ces mensonges de la petite enfance, mais aussi dans une moindre mesure certains de ceux qui suivent par la suite c’est leur nature inconsciente. Ils ne sont pas le fruit d’une réflexion, d’un rituel et d’un contrat signé puis stocké dans une étagère prévue à cet effet. Ça relève d’une pensée préverbale, d’une impulsion fulgurante qui ne nécessite généralement pas de redite. On en vient même à oublier qu’on avait une certaine sensibilité à cet endroit maintenant stérile. Quand on tentera de se reconnecter à nous même, ce détail ne sera pas sans poser de problèmes.

Toujours dans les mensonges intimes, il y a notre sens de l’identité, celui que l’on croit être : ce personnage façonné par toutes cette remarques venant de l’extérieures et d’observation intérieures, qui sont au final autant d’interprétations pas toujours très justes d’une réalité échappant à nos sens. Nous nous sommes enfermés dans les jugements de gens peu avisés qui exercèrent pour nous une position d’autorité mais aussi d’autres posés par nous même alors que nous n’étions que des enfant sans recul sur la nature humaine et le fonctionnement du monde. Et même adultes, nombreuses sont les fois où nous nous avons pu nous tromper dans nos jugements. Nous sommes tous porteur d’une idée de qui nous sommes, de nos qualités comme de nos défauts, de ce qui est juste et cohérent pour nous comme de ce qui ne l’est pas. En s’appuyant sur une telle représentation, souvent inconsciemment, porté par un besoin de cohérence, on va censurer certaines pensées et sentiments et en favoriser d’autres qui des fois seront sans relation avec nos ressentis du moment.

Petite remarque en passant : être honnête ne veut pas dire se comporter comme un goujat et dire les pires horreurs aux gens autour de nous sous prétexte que nous les pensons sincèrement. Bien des fois nos ressentis et nos envies seront incompatibles avec notre environnement ou même un minimum de décence. Il nous faudra alors les entendre mais passer outre, et accepter d’entendre la frustration, la tristesse et la colère que ça provoque en nous. Nous pouvons accueillir tout ça, tout en gardant le cap que nous nous sommes fixés. Il y a un équilibre à trouver entre d’un côté l’inspiration, les désirs de l’instant et de l’autre nos engagements et le cap réfléchi que nous avons choisi de donner à notre vie pour le moment.

On pourrait voir toute cette histoire d’honnêteté comme un problème de temporalité. La plupart de nos mensonges exprimaient la réalité d’un moment, puis le moment est passé, mais hypnotisés par cette vérité intense nous avons refusé de la laisser partir. Entourés d’un bric à brac de réalisation ou de choix  dépassées c’est dur de s’y retrouver, et de voir l’instant clairement. Et même si on arrive de temps à autre à entendre la petite voix, la force des habitudes nous arrache de là, pour nous envoyer dans le mur encore une fois.

Les mauvais sentiments ne sont pas des ennemis à annihiler, ce sont des indicateurs d’incohérences. Des fois, ils sont les cris d’effrois de notre enfant intérieur que nous maltraitons quand nous voulons nous montrer fort. Ce sont des témoins encombrants de nos crimes intérieurs. Ils n’ont pas à être beaux, agréables et positifs, pas tout de suite en tous les cas. La paix intérieure, la vraie, la joie, c’est la cerise sur le gâteau, la récompense après le travail. Je pense qu’il est primordial de changer notre relation avec nos émotions dites négatives comme avec notre ombre, c’est à dire tout le reste de ce que, jusqu’ici, nous n’avons su accepter en nous. Cette réconciliation, offrant écoute et bienveillance là où il n’existait que jugement auparavant, ne peut être remplacée par une opération cosmétique, une liposuccion pour la boursouflure de nos émotions.

Certes, une bonne dose de parfum et de baume au cœur peut nous donner la quiétude nécessaire le temps d’y voir plus clair et de dormir un peu. Ça peut nous aider à ne pas rajouter à la liste de nos problèmes la perte de notre travail ou la fin de notre couple. Mais, sachant qu’au bout d’un moment les cadavres dans notre placard trouveront le moyen de se faire sentir, il faut que ces techniques cosmétiques soient accompagnées d’un véritable travail de fond. Il est primordial de traquer sans pitié nos masques, nos histoires et nos jugements, et de manière plus importante être à l’écoute, pour entendre la mélodie discrète qui chante dans notre cœur. Elle qui est sans cesse changeante comme le frais ruisseau perché dans les cimes. Ce travail ne doit pas s’arrêter quand on commence tout juste à avoir la tête hors du trou. A mon avis, il doit être continué en cabinet jusqu’à ce qu’à avoir les outils bien en main et les habitudes bien ancrées, tout ce qu’il nous faut pour être en mesure de poursuivre par nous-même notre chemin vers une honnêteté radicale.