Au-delà de la méthode Grifasi

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première partie

Un jour, avant de commencer une séance d’hypnose régressive ésotérique, une consultante m’a demandé si travailler sur les vies antérieures était obligatoire dans cette méthode. Une médium lui avait dit quelques jours auparavant que de telles actions étaient interdites. J’ai avalé un juron et mon envie de lui dire qu’une telle restriction ressemblait à se menotter les mains dans le dos avant d’entrer dans le ring.

Sa médium avait des sources, des autorités qui appuyaient sa déclaration outrageuse et ma consultante se retrouvait alors prise entre deux feux, deux modèles du monde assez contradictoires. Comment faire son choix quand on n’a pas vraiment moyen de vérifier par soi-même ? D’un commun accord nous avons décidé de laisser de côté la révision des vies antérieures et pour notre première séance, de se contenter d’explorer ce qui allait s’offrir spontanément à elle.

Lors de ses pérégrinations intérieures elle a rencontré son grand père décédé il y a plus de quarante ans, et elle a pu avoir avec lui un échange aussi tendre qu’édifiant. Alors que la consultante demandait à mieux le connaitre, il lui a offert à voir des vignettes de sa vie. Des moments joyeux, d’autres effroyables.

Ma première réaction quand on a trouvé son grand père fut de lui demander de vérifier s’il s’agissait bien de lui et non d’un imposteur. A la croire, il était bien ce qu’il disait être. Sur le moment j’ai trouvé ça surprenant. La plupart du temps en HRE les désincarnés bienveillants et conscients de leur statut sont des entités essayant de se faire passer pour nos chers disparus afin nous faire baisser nos défenses. Je lui ai demandé d’insister pour être sûr de sûr, mais encore une fois même réponse. J’ai senti en moi l’envie de revenir à la charge, d’imposer mon modèle, mais heureusement je m’en suis gardé.

Avant de venir la consultante n’avait regardé qu’une seule HRE sur Youtube. Elle avait été charmée par les promesses de la méthode, mais en une heure de visionnage elle était loin d’avoir compris et absorbé la totalité du paradigme Grifasi. Elle ne savait pas ce que « je savais » sur les désincarnés, et donc ce qui s’est présenté à elle, n’obéissait pas à mon modèle du monde mais au sien.

La découverte de la méthode Grifasi il y a un peu plus de cinq ans a retourné ma manière de voir les mondes subtils, j’ai remisé mes vieilles croyances à la cave, et j’ai commencé à tout voir à travers mon nouveau modèle. Quand je me suis intéressé à cette méthode, comme beaucoup d’autres dans ma situation, j’ai fini par visionner une tonne de vidéos de séances. Je croyais avoir tout compris et tout d’un coup l’hypnose quantique de Dolores Canon et les autres formes spirituelles qui m’avaient ravi pendant un temps déchurent considérablement dans mon estime. En lisant les commentaires sur les vidéos d’HRE, en échangeant dans les forums autour de la méthode Grifasi, en m’entrainant, ma certitude s’affermissait jour après jour. Bref, je m’étais fait rattraper par une vilaine tendance au sectarisme.  

Dans le monde des rêves, l’éther, encore plus que dans le monde dit réel, on voit ce qu’on veut bien voir. Cet univers subjectif est la manifestation de nos croyances, des plus superficielles au plus profondes.

La méthode Grifasi n’est pas faite pour tout le monde. Elle attire une catégorie très particulière de personnes, celles dont les valeurs sont compatibles, celles qui acceptent de croire que l’éther est peuplé de reptiliens, de gris, d’archontes qui n’ont qu’un seul désir : se repaitre de votre énergie émotionnelle et sexuelles. Celles qui croient que la finalité est de mettre un terme à ces prédations pour retrouver leur souveraineté intérieure, et la responsabilité de ce que l’on vit. Tout un programme, n’est-ce pas ? Des extraterrestres, mais il faut être fou ! Et, s’assumer entièrement ? Alors là c’est le pompon !

A moins d’être sous influence, à moins que l’hypnothérapeute force sa vision du monde en travers de la gorge de son consultant, l’inconscient s’exprimer selon ses propres codes, selon sa propre morale. Il trouve toujours les symboles les plus adéquats pour exprimer ce qui nous travaille sous la surface et nous rend malade. Je pense que c’est à l’hypnothérapeute de s’adapter au patient et à ses métaphores. C’est à lui de respecter l’univers original qui se déploie durant la séance, de le traiter avec délicatesse plutôt que de chercher à le coloniser. C’est à lui de découvrir la logique interne qui régit ce petit monde et d’utiliser celle-ci pour dénouer ce qui bloque.

L’utilisation régulière de télépathes pour assister le consultant durant la séance est une idée formidable, et ça fait généralement des merveilles. J’ai toutefois l’impression qu’à un certain niveau ça devient plus une séance entre l’opérateur et le télépathe. Si généralement ça respecte bien la problématique interne du consultant, c’est une séance qui se fait avec les symboles des deux professionnels tous deux complètement formatés par leur méthode. Le consultant est réduit, au moins le temps de la séance, à une certaine passivité et son inconscient n’est pas complètement entendu.

Dans l’optique d’une séance coup de poing où tout serait réglé en une seule fois en mitraillant dans tous les sens, ces considérations peuvent sembler accessoires. Beaucoup de personnes sont très satisfaites à la sortie de leur HRE et plus encore une fois que la métabolisation a fait son travail. D’autres, par contre, peuvent se sentir démunies devant la liberté retrouvée, un peu comme les prisonniers inadapté au monde à leur sortie du système pénitencier après des dizaines d’années d’enfermement. De plus, être enfin débarrassé des interférences ésotériques ne veut pas dire que la mentalité, les habitudes, et toute la construction qui s’est faite autour va s’annuler en un claquement de doigt. La métabolisation varie grandement d’un individu à l’autre et il me semble important qu’il y ait quelque chose de prévu pour aider les consultant à naviguer celle-ci. Si une liste de conseils et quelques noms de thérapeutes familiers avec la méthode Grifasi est un bon début, je pense qu’un hypnologue acceptant de passer de l’exorcisme à la chaine à une prise en charge plus globale et offrant d’entrée de jeu une information plus riche à ses consultants serait idéal.

Tout ce discours sur les métaphores et le monde intérieur pourrait donner l’impression que finalement qu’il y ait des extraterrestres ou pas dans la séance c’est du pareil au même, la carte n’est pas le territoire et un symbole n’est pas ce qu’il représente… mais au-delà des discussions sur la forme , la question de fond demeure. Ces anges et démons, ces âmes perdues et ces petits gris, ça existe pour de vrai ? Cette question, à défaut d’une expérience directe et profonde, finit généralement par se perdre dans des théories plus ou moins fumeuses et des débats aussi peu constructifs que productifs.

Lisez, regardez des conférences, faites des expériences, développez votre culture et surtout abandonnez l’envie d’avoir la vérité absolue. Soyez fidèle à ce que vous sentez sur le moment, vivez votre foi jusqu’au moment où elle changera et grandira avec vous. Les croyances sont un support, un encrage, mais si on quitte l’expérience intime pour généraliser, et qu’on cherche à débattre et à évangéliser, l’attachement excessif avec ces idées fera vite de celles-ci une prison pour votre esprit. Pour ma part, je pense que bon nombre de ces entités sont loin de n’être que des métaphores. Même si je serai bien en difficulté pour vous convaincre, je pense qu’elles ont une existence OBJECTIVE.

Même si je pense que la méthode Grifasi est actuellement un très bon modèle, en séance, à moins qu’il ne soit demandé de manière explicite par le consultant il sera placé au coude à coude avec les approches. Quelque soit l’approche adoptée, le travail pour l’aider à développer sa souveraineté et une attention toute particulière à la nature de toutes les énergies rencontrées resteront au premier plan.

partie 2

Sur un plan plus personnel

Quand j’ai écrit la première version de cet article, devant la question est ce que toute cette ménagerie ésotérique existe, j’avais préféré botter en touche. Je me disais que de ne pas mettre en avant ce qui loin d’être des faits avérés relève de l’ordre de la conviction était plus respectueux des lecteurs et de leurs croyances. Plus tard en repensant à l’article il m’est apparu que cette rhétorique n’était qu’une façade, une rationalisation masquant une réalité peu reluisante. D’où je suis, il me semble que mon désengagement avait bien d’autres motifs.

A la base je veux connaitre la vérité, je cherche avec sincérité des faits, des preuves venant confirmer l’existence d’entités multidimensionnelles ou venant infirmer cette théorie mais je trouve toujours le moyen de neutraliser les nouveaux éléments confirmant la réalité des phénomènes paranormaux. S’il s’agit d’un témoignage, celui-ci est jugé subjectif. Je me réfugie derrière l’idée que la personne est prise dans ses propres métaphores et le filtre de ses croyances. Je me dis que je ne vais pas risquer ma crédibilité sur des ouïe dires. Je dois me faire ma propre expérience.

En allant dans la jungle amazonienne, au travers de mon expérience chamanique, j’ai pu vivre dans ma chair des confrontations directe avec ces entités, j’ai vu et j’ai entendu. Mais je me suis débrouillé pour balayer ça d’un revers de main en disant que si l’Ayahuasca avait bel et bien ouvert momentanément les portes de mes perceptions c’est avant tout un hallucinogène puissant. Aucune de ces visions n’est admissible comme preuve irréfutable. Idem pour toutes les informations que j’ai pu trouver au pendule, peu importe si cet outil m’a permis d’accéder à des choses que je ne savais pas, qu’il à pu canaliser une sorte de guidance qui m’a sorti de bien des situations. Je ne peux le présenter comme preuve définitive non plus. Après tout, ne me suis-je pas trompé à nombreuses reprises en utilisant cet instrument ?

Je me suis toujours dit qu’il n’y avait pas de mal à être rationnel et de garder une part de doute. Il est aussi assez intéressant d’être réaliste et d’avouer qu’on n’est pas en mesure de gagner un débat de manière définitive. Il est assez bien vu de respecter l’autre et ses croyances toutefois ce n’est pas ce qui était à l’œuvre chez moi. Dans mon esprit, mes expériences, ce que j’ai pu lire refusaient de s’assembler pour former une croyance solide et cohérente. Comme j’ai pu l’écrire, il faut se faire sa propre idée, vivre sa foi, et accepter que celle-ci change. Sans croyance on n’a pas d’appui dans la vie. Tout ça je le sais alors pourquoi cette incapacité à développer ma propre foi, ma propre certitude ? Le désir obsessionnel pour n’affirmer que des vérités incontestables, n’aide pas. Ça c’est sûr. Mais n’y aurait-il pas d’autres facteurs qui détruisent ma foi et même toute tentative d’avoir un modicum de convictions raisonnables ?

Généralement quand on me demande comment j’ai fait pour m’affranchir mentalement et moralement de la secte des Témoins de Jéhovah, je déjoue le caractère potentiellement épique ou romantique d’une telle aventure, en me tapant la cuisse et en racontant que ce sont mes hormones avant tout qui m’ont sorti de là. Pas de sexe avant le mariage, à deux ou même en solo, non très peu pour moi ! A partir de cette décision j’ai développé un regard critique, et j’ai percé des trous dans leurs raisonnement asphyxiants.

Alors que j’y repense aujourd’hui, j’ai l’impression que la genèse de mon exode est tout autre. Certes une fois que la décision a été prise, j’ai lancé une croisade intellectuelle pour rationnaliser mon choix, et je n’avais de cesse de railler et de cracher sur les témoins de Jéhovah et leurs croyances. Là où ça diffère c’est que le virage n’a pas pour seule source le désir de liberté d’un ado libidineux.

Une scène s’impose à moi. Des mois, peut-être même une bonne année avant que les hormones me fassent perdre la raison, c’est la fin du printemps et avec mon frère, ma sœur et ma mère on va à l’étude de livre. C’est une des trois réunions hebdomadaires à laquelle se rendent tous les témoins de Jéhovah. Contrairement aux deux autres, elle ne se tient pas dans la Salle du Royaume, leur lieu de culte mais chez une des familles de la secte. C’est une affaire locale en petit comité (vingt personnes grand maximum). Cette fois ci pour changer, ma mère à décidé que plutôt que d’y aller en voiture, vu la proximité nous irions à pied. Et tel Jésus portant sa croix en marche sous les insultes de la foule haineuse vers son lieu de crucifixion, j’ai entamé mon calvaire avec mes habits endimanchés ringards et ma petite sacoche, croisant ça et là des regards surpris de camarades de classe. J’éprouvais une honte, colossale, indicible… A l’époque je croyais encore en tout ce qu’on me disait, à l’époque même je comptais me faire baptiser, mais ma foi était affaire personnelle, et j’était tout bonnement incapable d’affronter le regard de l’autre. Je pense que c’est cette honte qui a imprimée une inflexion dans ma trajectoire. Petite au début, elle a abouti plus tard, renforcée par mes appétits d’adolescent, à un véritable 180°.  

Quand je pense à l’idée d’écrire ou de dire publiquement que je crois aux entités interdimensionnelles, je peux sentir le ciel se couvrir et cette vieille honte gronder au loin. Avec les années une mécanique s’est profondément installée, et je me suis retrouvé incapable de penser, croire, sentir et percevoir en dehors du consensus. Quand une personne croit en quelque chose, à son contact je me retrouvais incapable de penser le contraire… à moins… à moins de décrédibiliser la personne, et de la mépriser dans mon for intérieur.

Si j’ai pu me sortir si facilement des témoins de Jéhovah et de toutes les croyances imposées par ma mère, ça s’est fait au prix d’une haine et d’un mépris radical pour cette secte et toutes les personnes victimes de son emprise. C’était le prix nécessaire pour garder ma clarté mentale et pouvoir entendre mes propres opinions au-delà du vacarme environnant.

Souvent dans mes articles, mes échanges extérieurs comme mes pensées intimes, je fais de grandes déclarations de tolérance et de respect. La face cachée de cette neutralité et rationalité bienveillante c’est souvent une castration intellectuelle, une incapacité à se redresser et sentir une conviction puissante. Pire encore ces déclarations sont le fruit d’un aveuglement à mes préjugés, alors que je les fais, j’oublie sincèrement et sans préméditation aucune tous ces jugements cassants qui les contredisent. C’est comme si mon esprit était sacrément compartimenté.

Dans la méthode Grifasi on parle beaucoup du retour à la souveraineté. On le fait en mettant l’accent sur les interférences extérieures. Et si la recherche de ces dernières et leur annulation est un bon point de départ je pense qu’il faut traquer sans relâche la manière dont peut s’interférer soi-même. Il nous faut traquer nos préjugés, nos omissions et nos compartimentalisations sinon mené par le bout du nez par ces mécanismes nous ne seront jamais libres ni souverains.