The power of no

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Il y a quelques jours, en regardant une série, je me suis retrouvé à rouler des yeux si fort que j’ai failli me claquer les nerfs visuels. Une ado venait de se sortir d’une dispute avec sa mère avec le classique : « de toute façon je n’ai jamais demandé à venir, ici. Tu as eu le choix (de me faire venir) mais pas moi. Tout ce que tu as fait, ce n’est pas à mon service, mais à celui ta volonté, de ton choix à toi. Du coup, moi, je ne te dois rien, et je ferai ce que je voudrai. »

Jeu, set, et match. Fin de conversation.

Comme c’est facile de sortir cette carte. Le joker absolu.

Pure mauvaise foi…

Paradoxalement, cette rhétorique je l’ai cultivé pendant longtemps et j’ai même osé l’envoyer dans les dents de ma mère une paire de fois.  Mais maintenant que le vent a tourné et que ma loyauté est envers l’adulte, je n’ai pas trouvé de compassion pour cette ado, juste du jugement.

Adolescent, déclamant cette tirade, au-delà de toute mauvaise foi, j’y croyais. J’avais été pris en otage d’un rêve de maternité. Ma mère avait voulu se faire plaisir et voilà que sans crime ni procès je prenais à vie sans sursis. J’étais condamné à errer (une nouvelle fois) dans ce monde prison.

Depuis le temps, je pensais avoir dépassé ce sentiment. Je pensais avoir accepté mon sort. Et quelque part c’est le cas, mais en termes de qualité de vie il y a une différence considérable entre concéder, et ouvrir grand les bras. D’un « non » bien franc, d’une certaine manière j’avais basculé vers un autre classique adolescent : marmonner dans sa barbe, faire ce qui est demandé, certes mais avec une mauvaise grâce assumée. Voilà une formidable technique passive agressive parfaite pour faire criser les parents. Mais une fois adulte, loin de l’orbite de ma famille, et donc sans personne à enquiquiner, sans doute par la force de l’habitude j’ai l’impression que j’ai maintenu ce cap pas vraiment productif.

Je ne pense pas avoir décidé en mon âme et conscience que la vie était nulle et que je la détestais. Je n’ai pas de souvenir clair de comment tout a commencé. Est-ce qu’après une épreuve je me suis dit que je n’y arriverai jamais, que jamais je n’aurai ma place ni la vie que je voulais, que jamais je ne serai heureux ? C’est facile au creux d’une vague d’avoir ce genre de pensées, et puis le vent tourne, et on regarde les choses autrement, quelque chose nous amuse, quelque chose nous émerveille et on oublie toutes ces idées sordides. La déprime ça va, ça vient. Certaines personnes ont des épisodes de désespoir, d’autre non, pour certaines s’est clairsemé, pour d’autre personnes, ça se succède à un rythme soutenu. Certains disent que ce qui ne tue pas rend plus fort, mais personnellement j’ai l’impression que chacun de ces épisodes de déprime a laissé une petite trace, une petite cicatrice. Et cette impression d’ailleurs se fait certitude quand le nuage noir retrouve le chemin audessus de ma tête. Moi ce qui m’abat ce n’est pas ce que je vis dans l’instant, généralement face à une épreuve on réagit, on gère, on se bat, c’est alors que l’accalmie s’annonce que tout s’effondre. On est fatigué, et on regarde autour de nous avec les yeux du martyrisé, on a un filtre qui nous fait voir le noir partout où il est et même là où il n’est pas (encore). On s’imagine que l’épreuve n’en finira jamais, qu’elle n’est pas isolée mais plutôt chronique. Les pires épisodes passés s’alignent. Tout d’un coup toute notre vie n’a été que misère, et regardant vers le futur, on « voit bien » que ça va continuer encore longtemps comme ça. Sans doute même jusqu’au bout. Ce filtre fait qu’on en vient à oublier tous les bons moments.

Tous les petits moments de déprimes accumulés pèsent dans notre appréciation, mais en plus ils peuvent enfoncer le clou du désamour pour la vie. Une fois la période de vague à l’âme passée on pourra se sentir mieux, mais le jugement « la/ma vie est nulle, je suis incapable de ceci ou cela, … » gagne du terrain et resserre son étreinte, jusqu’à ce que l’on ne puisse plus se défaire de lui. A force, même dans les moments où les choses vont mieux et que l’on ne se sent pas spécialement mal, on continuera de juger durement la vie et ce qu’elle peut nous apporter.

La négativité peut devenir un mode de vie. On s’attend au pire, on rit jaune à l’idée d’une amélioration de notre situation, et de celle du monde autour de nous. Ne misant pas sur demain on diminue les chances d’une éclaircie. On adopte une posture qui peut nous mettre à la marge de nos amis, de notre famille ou de nos collègues alors on défend notre position, on cherche et trouve de bons arguments. On écume les médias et la conversation à la recherche de confirmations. Même sans regard sélectif, les médias et les échanges sociaux étant souvent orienté vers la catastrophe, et la plainte, on sera vite validé par cette moisson funeste.

Personnellement j’ai joué un jeu dangereux en poussant tout ça encore plus loin. Si beaucoup d’âme en détresse cherchent désespérément du réconfort et font ce qu’elles peuvent pour rejoindre la population générale en termes d’appréciation de l’existence, j’ai fait tout le contraire.

Plutôt que de rejeter la souffrance, on peut en faire sa maison et aménager celle-ci avec soin. Il y a une sous-culture riche et variée pour ceux qui embrassent le côté obscur de la force. Les romantiques tourmentés entre spleen et idéals ont su se creuser une niche dans le cœur des adolescents : de Baudelaire à la musique gothique, coldwave etc, c’est tout un univers masochiste qui se cache dans l’ombre de la normalité. Dans la ruelle sombre coincée entre un Zara et un H&M, il y a une bande d’ados maquillés et tout de noir vêtus qui fêtent leur désespoir. Un désespoir on ne peut plus justifié d’après eux devant ce monde à la stupidité et à la cruauté frisant l’absurde. J’étais un gothique soft, un infiltré qui n’affichait ni n’assumait à 100% ses couleurs. J’ai toujours trouvé les délires sado-masos présenté dans les films d’une théâtralité franchement embarrassante, mais ce qu’ils caricaturent est une réalité qui me touchait vraiment. Trouver une forme de plaisir alors que tout va mal, se faire un trou confortable entre deux tentes de SDF. On prend ses habitudes, on accepte que c’est notre destin, on se justifie et on finit par cracher sur le monde des normaux avec leurs sourires factices et leur incapacité à regarder la réalité en face.     

Et puis on grandit, on rejoint le monde des adultes et une fois détaché de la généreuse tétine parentale, on a tant à faire que le nombrilisme et les atermoiements extrêmement chronophages doivent laisser la place à quelque chose d’autre. En tout cas c’est la théorie car dans la pratique certaines habitudes semblent bien dures à éliminer.

Alors comment revenir en arrière ? Comment se défaire de tous les vilains jugements délétères ? Comment passer de la rébellion ou de la résignation face à la vie à quelque chose de plus positif, joyeux, enthousiaste et pourquoi pas amoureux ?

Bonne question … je veux dire bonne jusqu’au moment où on se rend compte qu’elle est de l’ordre de : « tiens j’ai une émotion négative. Comment m’en débarrasser et la remplacer par quelque chose de plus plaisant ? » ça a beau partir des meilleures intentions du monde, ça reste de la manipulation. A ceci on pourrait rétorquer que vu qu’on est le manipulateur et le manipulé et bien c’est un crime sans victime et donc pas vraiment un crime. Sauf que l’unicité n’est qu’apparente. Nous ne sommes par fait d’un seul tenant. Dans notre tête, et par extension dans notre corps nous sommes généralement plutôt divisés. La partie qui est déprimée, la partie qui est en train de pleurer n’est pas la même que celle qui juge le sentiment « inconvenant » et qui cherche à faire taire l’instance coupable. En analyse transactionnelle cette scène évoquerait, un « enfant intérieur » censuré par un « parent » tout puissant. C’est du refoulement au nom des convenances. Une censure pour notre plus grand bien, pour nous permettre de nous en sortir, de ne pas flancher, de ne pas offrir à nos ennemis de quoi nous juger. Il fut un temps on se devait d’être quelqu’un comme il faut, être un fidèle dévoué à l’église ou au syndicat, puis plus tard un gagnant (à partir des années 80), et maintenant se prosterner devant la dernière lubie à la mode, le pinacle de la culture ambiante.

les Cohens (Newport Beach) , ma famille idéale

Donc non, y aller à coup de baguette magique, et d’une surcouche d’auto répression en changeant notre état par la force de notre volonté ne me semble pas la voie la plus adaptée.

Alors quoi ? Cesser de se battre ? Accepter la déprime ? Laisser le mépris pour le monde gagner en ampleur ?

Oui et non.

Comme j’ai pu l’évoquer précédemment, la déprime n’est généralement pas un problème de tous les instants, ça va, ça vient. Ce qui fait la différence entre une personne heureuse et équilibrée et une qui ne l’est pas, c’est la proportion et l’intensité des états dits négatifs. Être déprimé, c’est une réaction désagréable certes mais à certains moments c’est peut-être la plus saine et approprié face à la situation que nous vivons. Pour moi, la première question qu’on doit se poser c’est : qu’est-ce qu’on fait le reste du temps ? Est ce qu’on est capable de jouir de la vie ou finalement la déprime n’est qu’un jour noir dans une vie en gris foncé ?

Il y a toujours de petites choses à faire pour améliorer notre quotidien mais est-ce qu’on se saisit de ces opportunités ? Est-ce qu’on prend notre bien-être au sérieux ? Est-ce que nous savons prendre soin de nous-même ? Être dans l’écoute de nos besoins et les adresser, c’est tout le contraire de l’épreuve de force évoquée tout à l’heure : se sortir de la dépression en s’attrapant par le col et en nous secouant un bon coup, voire en nous morigénant d’un « mais qu’est-ce que tu nous les casses à toujours pleurer. C’est d’un pénible ! Tu ne vois pas que tu as tout ce qu’il te faut pour être heureux ? ». Plutôt qu’émuler une caricature de père tyrannique je suis plus pour suivre le modèle de la mère nourricière. La bonne mère à l’écoute. Celle qui sèche les larmes et encourage. En prenant bien soin de nous, en passant du temps à apprécier et à être reconnaissant pour toutes les bonnes choses dans notre vie, on multiplie les associations positives avec le fait d’exister, et ce faisant nous équilibrons notre situation.       

Je parle beaucoup. Je donne des conseils, mais au final, c’est à vous de voir ce qui vous convient en ce moment précis. Des fois, toute la bienveillance du monde finit par avoir des relents de complaisance et on a vraiment besoin d’un coup de pied aux fesses. D’autre fois, après une longue marche forcée on a besoin de pouvoir s’écrouler sur place, se rouler en boule et pleurer un bon coup, puis une fois le trop plein déversé, on a besoin de profiter de tendresse. Et celle dont nous avons besoin avant tout ce n’est pas celle de nos amis ou de notre famille, c’est la nôtre propre. Rien à voir avec de la recherche de plaisir ou de l’autojustification, c’est avant tout d’être là pour nous dans l’écoute sans jugement.

La roue tourne et elle peut même tourner très vite. Personnellement, combien de fois, alors qu’on me faisait une proposition me suis-je engagé en me disant « ça a l’air sympa » ou « ça me fera du bien », et le jours J, je me retrouvais violemment dégoutté d’avoir été ainsi pris en otage par mon moi passé. Le moment d’intérêt et d’enthousiasme est passé depuis longtemps. Là, à l’instant t  je me retrouvais sans la moindre envie de tenir mes engagements. Je maudissais terre et ciel, je me maudissais moi-même et mes bonnes intentions. Je me maudissais pour avoir présumé de ce que je voudrai… ou plus exactement de ne m’être même pas posé la question. « Si j’ai envie maintenant peut importe où j’en serai le jour J. » La roue tourne, oui, elle tourne bien vite.

Ok, voilà les choses clarifiées pour ce qu’on peut faire en temps de paix, alors que tout va bien, mais que faire quand les nuages s’accumulent et finissent par déverser sur nous une pluie de ciment ? Le désespoir peut naitre d’un mauvais esprit, d’une manière toxique de voir les choses. L’ultra exigence, et son corollaire immédiat la perpétuelle déception, mais aussi le pessimisme peuvent nous faire marcher un peu trop près du bord, et rendre notre périple un rien périlleux. Il faut reconnaitre ces formes automatiques de pensée pour ce qu’elles sont : des processus autonomes qui n’on peu de chose à voir avec notre essence et la réalité. Il faut au travers de l’auto observation, les reconnaitre jusqu’au moment où on les verra arriver de loin et on pourra passer de « mais quel imbécile ! J’ai encore raté…, je n’y arriverai donc jamais… » à « tiens voilà l’autoflagellation qui vient me faire coucou ! Bonjour. Tu viens me taper dans les dents pour mes erreurs ? Tu crois quoi ? que ça me fait plaisir de me planter ? Que me rouer de coup va améliorer ma situation ? Tu ne crois pas que réfléchir ensemble pour trouver des moyens pour éviter autant que possible que ça se reproduise ne serait pas plus productif ? Alors qu’est ce que tu veux vraiment, m’enfoncer ou m’aider à avancer ? Fais ton choix ! »

délicieuse tristesse

D’autres fois, la déprime va nous tomber dessus sans la moindre provocation. Des fois, alors que tout semble aller de manière très correcte, sortie de nulle part, une main peut nous attraper par le cœur et serrer jusqu’à ce que l’on ai envie de pleurer. L’origine d’une telle émotion dépasse le cadre de cet article mais on peut toujours faire deux ou trois choses pour éviter le pire. A priori, ce n’est pas le cri d’un cœur fatigué mais quelque chose d’autre. Cette attaque sortie de nulle part, généralement ce n’est pas la première fois qu’on la vit, et donc bon an mal an on y a survécu encore et encore. La première chose à se dire quand ça nous arrive, avant que l’on commence à dévaler la spirale du désespoir c’est que ça finit toujours par passer. Là, l’enjeux c’est de traverser l’épreuve en y laissant le moins de plumes possible. Et comme ça va se terminer, en quelque sorte c’est déjà terminé, dans le futur on est déjà saint et sauf de l’autre côté, on a fini par passer à autre chose. Là, on y est pas encore mais on peut explorer notre certitude et anticiper les plaisirs à venir. Devant le sale moment à passer, au lieu de résister, de se lamenter, confiant on peut se faire vide et fluide, quelque soi notre choix le temps s’écoule et on finit toujours de l’autre côté. On n’est pas au top, mais on peut encore faire des choses, alors occupons notre temps au mieux, pour qu’une fois de l’autre côté on soit le moins encombré possible par la tempête essuyée.

Même si certains pensent que dans l’éther nous avons choisi de nous incarner sur cette terre, ce moi subtil n’a rien à voir avec notre présente personnalité. A notre niveau nous n’avons pas choisi de venir ici, dans ces conditions, mais la réalité c’est que nous y sommes. Jusqu’ici nous avons vécu toute sorte de scènes toute sortes d’émotions, nous avons eu beaucoup de bons moments. On n’a pas choisi notre vie mais on peut décider de ce que l’on peut en faire à l’intérieur des paramètres de celle-ci. Nos parents nous ont guidé durant notre âge tendre et maintenant c’est à nous de prendre le relais, d’être notre mère et notre père, et parmi tous les parents que nous avons croisés jusqu’ici, en choisissant d’émuler les meilleurs, on peut avoir une vie très agréable. Certes en regardant à côté on peut y voir une herbe des fois bien plus verte, jusqu’à en oublier celle qui caresse la plante de nos pieds. Obsédé par ce qui semble nous manquer on se retrouve paralysé incapable d’explorer l’immensité de notre potentiel. L’idée de ce qui est vécu au-delà de notre clôture, peut nous inspirer, nous motiver, comme vider notre existence de toute joie. Notre envie et notre jalousie, il faudra la traiter comme le flagellateur (voir plus haut). Et un bon moyen de leur couper l’herbe sous les pieds c’est de prendre régulièrement le temps d’être reconnaissant. Une petite médiation de gratitude sur toutes ces choses qui fonctionnent bien dans notre vie, toute cette beauté autour de nous, pour la musique dans nos écouteurs, pour nos amis, pour les rayons du soleil caressant notre visage et séchant nos larmes, à mon avis c’est une voie royale vers une vie mieux vécue.

Lues ou écrites, les paroles ne coutent pas cher. La question maintenant c’est combien de temps avez-vous passé aujourd’hui pour amener à la conscience tout ce qu’il y a de bon dans votre vie, et remercier ? Moi, de mon côté, alors que je termine cet article je me rends compte que c’est loin d’être assez, alors je vous quitte et je m’en vais remercier la vie.

Bye    

Revelation :

Je me suis concentré sur mes yeux et mes oreilles alors que les perceptions peuvent s’en passer. Lors des sorties hors du corps, on voit, entends et pense sans que ça soit filtré par le corps. Ces capacités sont eclipsée par la machine quand elle est active, et à la restriction d’usine se rajouter celle dûe au déclin du corps. Il me faudrait trouver le moyen d’inverser la situation et que les sens ne soient que la cerise sur le gateau… un dessert déjà passablement fourni.