De longue haleine

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Devenir thérapeute est un rêve de longue date pour moi. Entre l’idée et le moment où après des années de travail sur des amis et de la famille j’ai enfin fait les démarches pour pouvoir m’établir officiellement, il s’est écoulé une bonne vingtaine d’années.

Durant cette période je me suis formé, j’ai adapté mon projet encore et encore, mais de manière aussi inconsciente qu’appliquée je me suis efforcé de tenir certaines questions à distance. Quand on me demandait pourquoi est-ce que je voulais faire ce métier, je racontais une anecdote séminale : la rencontre avec Josée Chiappe une thérapeute m’ayant particulièrement marqué et je concluais invariablement que je voulais aider les autres comme elle avait pu le faire pour moi. Une réponse qui était fraiche pendant la première année mais qui après moult répétitions a commencé à sonner de plus en plus creuse.  Une réponse en boite, ça fait le job, ça nourrit son homme, mais la fraicheur et le craquant ont carrément foutu le camp. Ne sachant trop plus ma motivation, j’ai progressivement perdu le nord, et ce n’est pas un hasard si j’ai fait d’un job temporaire presqu’une carrière, et que le chemin vers la terre promise s’est mué en longue traversée du désert. Heureusement pour moi j’ai pu atteindre mon objectif en moins de quarante ans.

Le quoi, le pourquoi et le comment.

Quand je fais du coaching et que j’aide une personne à avancer j’applique très souvent ce qu’on appelle en PNL une détermination d’objectif, autrement dit une série de question préliminaire avant de faire le moindre pas dans la direction qui fait rêver mon client (vous pouvez en apprendre plus sur le sujet ici ). Pour tout projet ambitieux, tout projet demandant un effort soutenu on a besoin d’un plan d’attaque, de connaitre le terrain, nos ressources comme les obstacles à venir. Il est donc important de se demander « quels sont nos atouts ? » et « quelles sont les difficultés prévisibles ? ».

Il est généralement aussi très intéressant de se demander « quels sont les avantages que l’on a à rester où l’on est ? » Cette histoire d’avantages secondaires c’est ma question préférée, celle sur laquelle j’aime insister. Ce n’est pas pour rien que nous ne sommes pas déjà à l’objectif ou au moins en chemin. Il y a quelque chose qui nous retient. Nous sommes habitués et aussi incroyable que ça puisse paraitre assez confortable dans notre condition actuelle. Généralement elle ne date pas d’hier, et aussi désagréable soit elle, nous avons trouvé le moyen de nous en accommoder, nous nous sommes adaptés, voir déformés pour cohabiter le moins douloureusement avec elle. Les gens autour de nous se sont fait à l’idée que c’était la norme, et nous avons appris à jouer notre rôle à la perfection. La question des bénéfices secondaires permettra de trouver pour chacun d’eux des approches alternatives qui semble nous coller à la situation tant détestée.

Avant de se lancer dans le grand projet on apprendra à interagir en nous présentant autrement que comme la victime de nos infortunées circonstances. Des fois, par exemple pour sortir d’une addiction il sera nécessaire de nous faire d’autres amis que ceux qui ont accompagné et confortés notre dépendance toute ces années.

Il y a une autre question « pourquoi veux-tu opérer ce changement ? » que je posais sans doute avec trop de légèreté. Le pourquoi, c’est la motivation profonde, c’est ce que l’on cherche à obtenir au-delà de notre objectif. Après ce questionnement ce dernier n’est plus vraiment un « quoi » mais un « comment ». Et ce changement m’est très longtemps passé au-dessus de la tête. Et ce n’est qu’après la lecture de « Transurfing » de Vadim Zeland que j’ai pu comprendre le potentiel énorme caché derrière cette distinction. Mais il vous faudra attendre quelques paragraphes avant que j’aborde ce point-là. En attendant, le « pourquoi » est utile pour trouver le carburant permettant d’alimenter le changement. Très souvent le client n’a pas assez creusé le sujet, et on peut avoir l’impression qu’il veut partir à la conquête de l’Himalaya sur un simple coup de tête. Heureusement on trouve toujours le moyen de relier l’objectif à des croyances et des désirs profonds, et de là on peut passer aux autres questions de la détermination d’objectif.

Il y a de quoi être ambivalent devant la question du pourquoi. Comme disait Blaise Pascal : « le cœur a ses raisons que la raison ignore ». La tête et le cœur parlent des langues radicalement différentes, et la traduction de l’une vers l’autre se fait généralement au prix d’une perte importante de sens et de puissance (idem pour les pulsions d’origine viscérales ou sexuelles). En fait on s’engouffre souvent dans des contresens catastrophiques. Si votre petite amie vous demande pourquoi vous l’aimez, je crois qu’il est impératif de changer de sujet, vous ne pouvez que vous planter. Heureusement pour ce qui est de la motivation derrière un changement vous ne risquez pas de terminer à la niche si vous ne répondez pas parfaitement du premier coup à la question impossible, mais en plus, une fois certains points clarifiés, celle-ci n’est plus si impossible que cela.

Causes et corrélations

Pour ce qui est de ma motivation pour devenir thérapeute j’ai un peu simplifié mon histoire dans l’introduction. Il y a eu une tentative d’examen de ce qui me poussais vers mon objectif. Elle est arrivée à mi-parcours. Faite en solo de manière peu structurée elle a été catastrophiquement contre-productive. Personnellement, j’aime résoudre des problèmes, j’aime écouter les gens parler de choses vraies, intimes (par opposition aux mondanités meublant la plupart des interactions), j’aime jouer les héros, j’aime me sentir important. Sans crier gare, en dépit de la manière dont s’étaient déroulés les soins que j’avais pu administrer, je me suis imaginé vampire émotionnel, me délectant des larmes de mes patients (comme si la souffrance était LEUR moment de vérité) et nourrissant un égo aussi démesuré que fragile de toutes mes victoires thérapeutiques. Cette vision a été fugace mais elle m’a refroidi. Plutôt que de creuser, de regarder en face le bon comme le mauvais, je me suis démotivé, et sans me l’avouer j’avais décidé de passer à autre chose.

J’aurai dû me poser et en observant calmement mon analyse de caractère et mon objectif j’aurai dû réaliser que oui il existait une relation entre ma personnalité et ce désir d’aider les autres, mais qu’il n’y avait pas là de projet aussi machiavélique que délibéré. La vision effrayante, à défaut d’être une explication ou une prophétie, peut toutefois être vue comme une mise en garde. Elle permet de placer des gardes fous, et un peu comme pour la recherche bénéfices secondaires, elle permet de créer des stratégies alternatives histoire que je puisse avoir ma dose d’intimité et d’héroïsme en dehors de mes heures de travail.  

Je pense que finalement la question « pourquoi ? » est trop problématique dans certaines circonstances, il est préférable de lui substituer « qu’est-ce que ça m’apporte ? »

Perdre le nord

Avant de me lancer officiellement dans mon activité thérapeutique en regardant l’offre locale préexistante j’ai pris peur. Des salles d’attentes des cabinets de collègues aux tableaux d’affichage des superettes bio, j’ai vu défiler mille cartes de visites. Ma région a visiblement du talent à revendre et trouver sa place au milieu d’une offre aussi foisonnante relève de la gageure. Un collègue qui a fait sa formation en hypnose avec moi, a confirmé le sentiment, s’il y a une dizaine d’année les affaires allaient bon train l’offre est démultipliée et maintenant, malgré sa réputation, et sa maitrise il s’en sort tout juste financièrement. A force de tergiverser est ce que j’avais loupé ma chance ?

J’ai eu envie d’être au-dessus du lot, d’utiliser les techniques les plus puissantes possibles, et ce faisant en utilisant la SRT et le vortex Healing (pour faire simple une sorte de Reiki +++), sans m’en rendre compte, je me suis perdu un court instant dans une voie qui ne me correspondait pas. Ces méthodes aussi puissantes que fastidieuses peuvent se pratiquer à distance, et quand elles sont utilisées de la sorte le travail devient très solitaire. Et j’aurai pu, par peur de ne pas être bien placé par rapport à la concurrence m’engouffrer dans une voie incompatible avec mes valeurs et mes désirs, le « qu’est-ce que ça m’apporte ». Est-ce que je veux être un opérateur effacé mais reconnu et recherché pour mon efficacité méthodique, ou est ce que je veux recevoir l’autre et sa parole, ses soucis, puis construire avec lui un chemin et l’y accompagner? La réponse est évidente maintenant mais en ayant perdu le nord il est très facile de se fourvoyer. Heureusement pour moi, être attentif à la manière dont je me sens, et à l’évolution de ma relation avec le monde qui m’entoure m’a réveillé. J’ai eu la chance de ne pas me perdre dans des autojustifications et le maintien forcené d’une image publique.

Bien sûr je n’ai pas jeté mes techniques, j’ai choisi de les intégrer différemment dans ma pratique.

Le retour du Transurfing

Le vortex Healing et la SRT sont les derniers développements d’une recherche qui ne date pas d’aujourd’hui pour moi. Ça fait un moment que j’ai privilégié la recherche de la puissance de feu devant toute autre considération. Ce faisant, éclipsant ce qui m’intéressait vraiment dans la pratique thérapeutique, j’ai fini par voir celle-ci de manière hyper pragmatique et d’une certaine manière un rien déshumanisée, ce qui est un comble. Ma perception de l’accompagnement en a été temporairement ternie. Je ne voyais plus que la distinction ça marche/ne marche pas. Dans le cadre de thérapie courte cette vision binaire peut faire sens, mais dans un contexte plus large ça appauvrit considérablement le regard que l’on porte sur des échanges d’une grande richesse. Ça induit aussi une forme d’hyper vigilance et d’angoisse permanente quant aux signes présageant des difficultés ou des échecs.

Dans le « transurfing » de Vadim Zeland, cet intérêt majeur pour l’efficacité est de manière très prévisible délétère mais pas nécessairement uniquement pour les raisons évoquées au paragraphe précédent. Cette attention un peu trop appuyée qu’il décrit comme étant un cas « d’importance excessive » est hautement contreproductive car elle engendre une réaction de l’environnement propre à la stopper. Généralement c’est la voie la plus simple : des fois une réussite définitive mais celle-ci étant humainement impossible on peut s’attendre plutôt à quelques échecs qui coupent au jarret et qui donnent un coup net à cette envie de 100%. Pour Zeland l’importance excessive doit être évitée grâce à une certaine discipline mentale (par exemple en pratiquant du lâcher prise) ou être dissolue dans l’action (quelque chose vous fait envie : cessez d’y pensez et agissez pour l’obtenir). Ce qui rend l’importance excessive dangereuse c’est que nous trottant dans la tête sans rien pour l’arrêter, l’idée se fait facilement obsession. Comme j’ai pu l’évoquer au paragraphe précédent elle est alors très polarisante.

Dans ses premiers ouvrages dédiés au transurfing, Vadim Zeland parle de l’opposition entre intention interne et intention externe. La dernière correspond à ce que nous faisons tous pour arriver à nos fins : travailler, mettre les mains dans le cambouis, lutter à bras le corps avec la réalité et ce qu’elle nous propose. La seconde est sans doute le concept le plus important de cette philosophie. L’intention interne, pour faire simple ressemble beaucoup à ce qui est proposé dans les lois de l’attractions : pour atteindre un objectif on imagine (image, son, et surtout EMOTION) ce que ça nous fait qu’il soit enfin réalisé. C’est l’émotion qui va agir comme fil directeur et qui va nous permettre de naviguer l’océan des possibles le long des courants les plus généreux pour nous.

Ça a l’air anodin comme ça, alors j’insiste : l’émotion est la clé. Tous les objectifs du monde au final ne sont que des « comment » vers une sensation, une émotion, un sentiment. On s’imagine que ces « comment » vont nous rendre heureux, satisfaits, joyeux, curieux, amusés, en paix, … oui c’est ça, on s’imagine, car à mon avis il n’y a pas de paix ou de bonheur durable quand on atteint un objectif, après un bref répit on finit par sentir qu’il y a maintenant quelque chose d’autre, quelque chose d’hyper important qui va enfin être la réponse à nos problèmes. C’est sans fin, c’est un peu absurde, alors quand on s’en aperçoit ça peut être déprimant et démotivant. Heureusement, en dehors de se voiler la face et à faire du quitte ou double, on peut aussi prendre du recul, cesser de prendre trop au sérieux et le voir comme un jeu.

Dans la détermination d’objectif il y a une question qui est posée et que je n’ai pas encore évoqué : « comment est ce qu’on sait qu’on a atteint l’objectif ? ». En PNL cette question va permettre de baliser le parcours , de mesurer la distance parcourue et de célébrer au bon moment. Pour ma part, après la lecture des livres de Zeland, cette question a fusionné avec celle du pourquoi, pour devenir un exercice d’imagination. Si cherchant à lui répondre au début on est attentif aux détails qui permettent de se perdre (de manière hypnotique) dans la projection, à la fin ce qui est réellement important c’est la sensation. Cette sensation vers laquelle le client va revenir régulièrement, elle doit être vécue au présent. Ce n’est pas une attente, ou un désir, c’est une célébration, dans notre tête on est sur la ligne d’arrivée et au-delà.

Certes durant le coaching on ne va pas négliger l’intention externe, on va s’intéresser aux détails, à la démarche. On va poser des actes histoire de ne pas tourner en rond dans l’espace mental. Mais on gardera en tête que ce sont des propositions, on est prêt à laisser le monde nous surprendre. On a beau avoir des idées et des opinions, on ne va pas faire de micromanagement et dire au big boss comment s’y prendre.   

Mon activité thérapeutique est en parallèle de mon travail alimentaire. Je n’ai pas de pression financière. Je n’ai pas besoin de me faire un nom dans la minute ni d’écraser la concurrence. Je pose des actes pour faire progresser mon activité et mon efficacité et libéré ainsi l’importance excessive. Dans mes moments de calme je me laisse rêver. Je vois les avertissements comme ce que je peux désirer profondément, et de ces visions glorieuses je tire un sentiment qui me guide maintenant.

Cerise sur le gâteau : au lieu de me prendre la tête alors que je pense sans méthode, ces bonnes habitudes me permettent d’être heureux et satisfait maintenant en attendant que la réalité me rejoigne et que mon activité thérapeutique décolle.

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