Faux prophètes. Attention danger ?

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J’ai été élevé chez les témoins de Jéhovah. Ma mère a connu ce mouvement religieux une bonne année avant ma naissance, mon père, malgré toutes les tentatives de sa femme pour lui faire entendre raison, lui est resté hermétique à cette foi. Il s’est montré neutre et glissant comme une pierre polie par le passage de l’eau. Quand ma mère m’a mis pour la première fois dans les bras de ce dernier elle lui a dit, « ce fils t’apportera la vérité ». Spoiler alert, si j’ai apporté à mon père quoi que ce soit d’approchant une forme de vérité ce n’est surement pas celle qu’envisageait ma mère au moment de proférer sa prophétie.

Les témoins de Jéhovah croient comme beaucoup d’autres mouvements chrétiens que la bible est d’inspiration divine. L’esprit saint a utilisé le bras des hommes de l’époque pour transmettre un message universel et éternel. Non, en fait pour eux, la bible n’est pas juste d’inspiration elle est divine par essence. Et ce qui distingue les témoins de Jéhovah de toutes les « fausses » religions c’est que, eux, grâce à un collège central avisé et inspiré par l’esprit saint, ont l’unique interprétation valide des textes du grand livre. Année après année ils révisent la date du jugement dernier, mais non ils ont tout de même toujours raison et sur tous les sujets. Les remettre en question est source d’anathème. Sort de mon sein oh toi la parole apostate !

Dans cette religion lors du jugement dernier, les bons héritent de la terre, si ce n’est pour une poignée d’élu, 144 000 pour être précis, qui vont monter au ciel et épouser le christ spirituellement.  Ces 144 000 sentent qu’ils ont été choisis, et sont les seuls à pouvoir communier lors de la paques. Alors que le vin et le pain passent de mains en mains, ils sont les seuls à gouter cette transsubstantiation du corps du christ. Ces élus sont toutefois obligés de passer sur le gril du questionnement des frères les plus avisés, pour éviter une méprise ridicule (pour qui ?).

Chose amusante les témoins de Jéhovah se font une joie d’analyser toutes les autres religions et tous les systèmes d’autorité humaines pour en pointer les contradictions, l’hypocrisie et les failles les rendant caduques. A part la vraie foi qui était inquestionnable rien n’échappe au massacre. Un Jihad spirituel qui fait que le chemin étroit de la vraie foi semble bordé de deux fosses d’aisances qui ne donnent pas envie de s’égarer. Chose amusante ma mère en questionnant certaines décisions faites par les anciens (témoins de Jéhovah proéminent, qui collégialement prennent les décisions d’exclusion, de réintégration, de mise en garde etc) m’a mis la puce à l’oreille. Finalement, ce n’étaient que des hommes et le système mis en place par le divin censé imposer les garde-fous nécessaires pour protéger le troupeau de l’apostasie était particulièrement faillible. Fort de cette bénédiction donnée par erreur j’ai fait de cette foi un gruyère particulièrement aéré.

Quitter la secte c’est se retrouver bouter aux portes du paradis. Après la certitude, après s’être cru moralement supérieur à tous les gens du « monde », te voilà de l’autre côté de barrière, dans la boue avec les manants sur qui tu crachais quelques instants auparavant. Tu as beau te dire que tu as bien fait, que tu vois clair dans les erreurs des gens restés dans la secte, ces derniers restent campés sur leurs positions, indifférent devant ton jugement éclairé. Et pour ce qui est de ta nouvelle famille d’accueil, si tu peux exploiter un temps la bienveillance de filles aimant donner dans la consolation… finalement les gens ne te célèbrent pas. Les témoins de Jéhovah sont idiots ! Ok, cool… il t’a fallu plus de dix ans pour réaliser ce qui saute aux yeux en trente seconde de n’importe quelle personne ayant la tête sur les épaules ? Franchement, il n’y a vraiment pas de quoi se vanter.

Je me suis donc retrouvé dehors … à poil. Sans explications ultime, sans magie, sans dieu, dans un monde dont j’étais incapable de gouter la saveur.

Quand j’ai commencé à m’intéresser à la psychologie c’était au travers de Freud, et de la PNL… c’était un projet très rationnel. Puis il y a eu Jung et avec lui le retour du mystère, de la dimension cachée d’un monde infini au-delà de ce matérialisme si grossier. De là, l’escalade. Finalement j’étais comme un passionné de whisky reformé qui découvrait les joies de la tequila. Mais non, il n’y a aucun problème, regarde mon verre, cette odeur, ça n’a rien à voir !

Je suis méchant avec moi-même, et mes aspirations spirituelles ! Aspirations qui sont d’ailleurs toujours les mêmes à l’heure actuelle, elles sont justes vécues différemment. Je me rappelle d’un stage avec Frank Lopvet, où ce dernier, évoquant un voisin dont on entendait la tondeuse, disait en somme qu’on n’était pas plus avancés en faisant notre stage que ce type en train de s’occuper de sa pelouse. Pour moi la spiritualité est une manière d’aborder la vie, de lui donner du sens. C’est un jeu avec des règles et d’importantes limites. Il y a toute sortes de joueurs, des bons et des moins bons aussi bien dans le jeu lui-même que dans le méta jeux : cette la réalité partagée avec les autres approches.  Les gens allergiques au monde de l’âme, sont juste dans un autre jeu, avec d’autres règles. Pour nous Dieu est toujours presque à portée de main, mais nous échappant tout le temps, alors que d’autres, eux, seront toujours à un ou deux achats près de pouvoir être heureux, ou deux ou trois conquêtes près d’être pleinement réalisé sexuellement. Nous on croit qu’il y a un type dans le ciel qui compte les points et qui va nous récompenser pour avoir si bien joué LE bon jeu, alors que pour les autres, ça sera d’autre variations de la course à l’échalotte. Ce n’est pas le sexe, l’achat de gadget ou la spiritualité le problème, c’est le fait de croire que ça va résoudre nos problèmes, que ça va nous rendre heureux.

Ça cette manière un peu choquante de voir les choses, c’est sans doute celle d’un type un rien désabusé, un type qui une fois bien trompé s’est dit : « plus jamais ». Peut-être qu’il y a un peu de ça, mais je crois que mon avis est plus pragmatique que cynique. Comme disait Jésus, c’est à la qualité de ses fruits qu’on reconnait la valeur d’un arbre (et au passage, Jésus, mon cyprès il te dit « merde ») et je crois que le nerf de la guerre est là, peu importe la religion, l’école de pensée, la technique apprise, la vraie question c’est : « est ce que ça fait de vous une personne meilleure ? Plus épanouie ? Plus positive pour votre petite tribu ? Et pour les gens en dehors de celle-ci ?

Dans mes pérégrinations j’ai fricoté avec toute sortes d’illuminés, de livres et de philosophies étranges, et si on pourrait dire que j’ai perdu du temps, moi je pense que je ne ME suis jamais perdu. Dans le monde de la spiritualité, surtout la new age, la plupart des livres sont issus de channeling, ou des remixes d’anciens titres eux même inspirés par des êtres vivants dans un autre plan d’existence que le nôtre. Est-ce que c’est un problème marketing ? Est-ce qu’un livre dicté par Jésus ça vend nécessairement plus qu’un livre pensé par Gérard ? Est-ce que cette histoire d’inspiration ça ne serait pas un phénomène qui dépasse largement le monde de l’édition à tendance spirituelle. Quoi qu’il en soit, avec tous les esprits errants et les extraterrestres qui veulent s’inviter dans nos vies et nos pensées c’est dur de savoir à quels saints se vouer. Et il est important d’avoir une bonne boussole (point déjà évoqués sur les articles dédiés à la maitrise de l’intuition, et que je vais bientôt évoquer dans un de mes prochains articles consacré à l’ « Human Design » de Ra Uru Hu).

Des fois je m’interroge.

Je sais que malgré les souffrances émotionnelles et psychologique endurées durant mon éducation religieuse et les quelques petites séquelles qui collent encore à la peau, je ne « regrette » pas d’avoir dû en passer par là. A un certain niveau j’en ai beaucoup appris. J’aurai envie de terminer mon article par « quand l’élève est prêt, le maitre se présente », et je me dis que les gens qui se font happer par certaines idéologies… c’est un mariage au paradis ou en enfer, c’est selon. Mais ça parle plus du chemin de vie de la personne, de sa vibration, ses croyances … mille autres personnes se seraient enfuies en courant là plutôt que de s’adonner à ces idéologies. C’est clair que si on y reste, c’est dur d’en tirer des leçons positives. C’est clair que la souffrance, ça fait mal … certes, mais une fois dehors de la secte, du parti politique, du fan club … il est de notre responsabilité d’avancer, de tirer des leçons et surtout de garder l’œil ouvert pour repérer les échos et les itérations analogues qu’on va développer dans nos vies.

Mon vécu devrait me rendre compatissant mais j’ai l’impression que c’est presque le contraire qui se produit. Devant les victimes d’errances spirituelles j’ai envie de dire « levez-vous, tout le monde debout, pour que l’odyssée suive son cour ». J’ai envie de les exhorter à prendre la responsabilité de leur vie, d’être des acteurs et non des victimes… mais je dois avouer que si je pouvais encore compter sur les élans de réconfort et de compassion de belles donzelles aux seins durs comme la pierre, j’imagine que je serais largement plus confortable dans une posture de victime.

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