Imbécile heureux

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J’ai longtemps cru que je n’étais le fils que de ma mère. Mon père, dans cette histoire, une note de bas de page. Il était là, mais ses valeurs comme sa sphère d’influence n’avaient pour moi guère d’importance. J’étais le fils de ma mère. Petit et même à l’aube de mon adolescence, sa religion je l’ai embrassé pleinement. Chrétien fondamentaliste, partisan du chemin étroit, adorant un dieu ayant pour projet de laisser le plus clair de l’humanité sur le carreau, je me devais d’être le sel de la terre, une lampe pour éclairer le monde et le guider par l’exemple. J’embrassait cette vision glorieuse et particulièrement élitiste car même si tout le monde est invité à suivre le Christ, les places sont chères, et il faudra tirer la langue pour pouvoir s’asseoir à sa droite.

Mon père n’a jamais adhéré au principe religieux de ma mère, c’était un homme simple, satisfait des petites choses. Ça me rendait fou de rage. Comment pouvait il choisir de vivre sa vie sans chercher à se transcender à chaque instant. Un cochon dans la fange, sensible et sensuel, s’ébrouant côte à côte avec les médiocres. Pourquoi ne pouvait-il pas bruler tout comme moi de ce feu qui forge le plus dur des aciers. Cette haine de soi intense qui t’amène à te fuir en chaque instant et à sans cesse devenir autre, à te dépasser.

Je n’ai pas envie de faire un sain de lui maintenant qu’il est mort. Faire comme s’il avait tout compris avant tout le monde. Sa philosophie du bonheur avait souvent des allures de fuite, mais ce n’est vraiment pas ça qui avait provoqué une telle révulsion, que je m’enfonçais dans mes positions. En fait l’idée du bonheur me dépassait complètement, c’était un jeu bon pour les vieux, moi je voulais être fier, je voulais l’extase du cool et de la supériorité. Plutôt mourir l’épée à la main que de rêvasser, un épi de blés pendant de la bouche.

Je voyais dans sa démarche quelque chose de plus adapté pour l’idiot du village que pour quelqu’un de son calibre, quelqu’un de mon sang. Comment maintenir mon sens d’importance si pour bien vivre il suffit de de trouver une pierre pas trop agressive pour le séant et de s’y poser pour regarder le soleil se couchant bercé par le chant des cigales ?

Le problème c’est que cette vision élitiste ça va bien cinq minutes, quand elle offre ce petit sentiment de supériorité en regardant les englués sur le bas-côté, mais rapidement l’exigence se fait étouffante, et incapable d’être parfait tout le temps tu te fais broyer et railler comme les autres. C’est le genre de dynamique qui te donne un complexe de supériorité pendant un quart d’heure puis un, d’infériorité, le reste de la journée. Il n’y a pas de victoire assez éclatante pour résister à l’œil inquisiteur, rapidement les approximations abondent, les failles s’accumulent, les regrets et les reproches s’empilent jusqu’à ce que de ton Taj Mahal il ne reste plus qu’un tas de cendres. En même temps quand tous les jours, c’est le jour du jugement (dernier), pas étonnant de vivre dans un enfer post apocalyptique.

Sans transition … un point qui relie Vadim Zeland (transurfing vol 1 à 5), Neville Goddard (l’émotion est le secret, la conscience est la seule réalité, Rhonda Byrne (le secret), et bien des apôtres des lois de l’attraction c’est cette histoire de visualisation. Visualise ton objectif, ce qui est cher à ton cœur et tu vas le co-créer, tu vas le manifester dans ta vie. Ta visualisation doit être comme un rêve éveillé, riche sensoriellement, immersive, tu vis et tu ressens ce que ça fait d’y être déjà. La réalité ayant une inertie considérable, il te faudra du temps généralement avant d’arriver à bon port. Du temps et aussi du sentiment, car un des carburants permettant de voguer dans l’espace des possibles vers vos rêves est l’émotion. Il faut vibrer ce que vous voulez attirer dans votre vie, de tout votre cœur, de toute votre âme.

A contrario toutes les mauvaises émotions, la haine, le mépris et donc les jugements vont tirer votre galère vers les coins les plus désolés. Certes ça prendra du temps mais on finira bien par y arriver et en attendant d’autres aspects plus fragiles de la vie auront été impacté : la santé du corps physique, la nature des pensées, la capacité à jouir de la vie, l’état général émotionnel.   

Contrairement à Goddard, Zeland insiste sur la nécessité d’avoir un alignement du cœur et de l’esprit. Se trouver un but n’est pas suffisant il faut qu’au fond du fond, dans le cœur de notre cœur l’envie y soit aussi. Un cœur insondable, un cœur qui n’a pas de mot mais qui balance des signes en veux-tu en voilà sans nécessairement donner les clés pour les décrypter. Pour moi, ça sonne comme une excuse à postériori pour justifier les échecs de la méthode… mais bon, admettons. Une fois le but trouvé, on s’imagine l’avoir atteint et on se baigne encore et encore dans le sentiment que ça devrait procurer. Sentiment qui va avec le temps nous mener à bon port, à cet endroit qui va continuer de provoquer toutes ces bonnes sensations. Autrement dit dès qu’on se lance, jusqu’au moment où l’on arrive et même après le sentiment est notre fil directeur, notre constante. Est-ce que le but est important au fond… pourquoi fait-on les choses, si ce n’est pour provoquer des émotions. Je ne cherche pas à remettre en cause l’existence objective du monde qui nous entoure, mais au final ce qu’on en perçoit n’est jamais qu’un support, une surface, un outil pour provoquer des émotions et manifester notre intériorité.

Et tout ça me ramène à mon père et la liberté qu’il avait par rapport aux principales fausses idoles : richesses, possessions, idéologie, accomplissements, sexe, renoncement, développement personnel… tout ce qu’il voulait c’était savourer le moment tel qu’il était. Fidèle au sentiment. En pensant à lui et à ce que je viens de lire chez Zeland je me dis qu’au final l’abondance, les objectifs, tout ça c’est finalement secondaire. Qu’est-ce que je veux ? Je veux être en paix, je veux être joyeux, je veux aimer le monde et les gens. Je veux me sentir accompli. Est-ce que le moyen d’obtenir et de vivre ces sentiments à réellement une importance ? Alors pourquoi s’encombrer de ces combines, et de ces stratagèmes ? A priori, ces sentiments sont à portée de main, je les ai déjà sentis dans le passé, et je suis capable d’imaginer des scènes qui pourraient me les faire sentir de nouveau. Par la force du souvenir et de l’imagination je peux recréer dans mon cœur la valse de ces émois. Grace à ma créativité me voilà déjà arrivé.

Contemplant un paysage magnifique, quelle importance que j’en sois le visiteur ou le propriétaire ? Ce qui va importer par contre c’est ma capacité à profiter de l’expérience, ma capacité à mettre de côté les pensées polluantes comme celle de la frustration de ne pouvoir m’offrir un tel endroit ou celle des soucis qui vont avec la gestion d’un tel patrimoine.

Mais rêver c’est tricher ! Dès que tu ouvres les yeux et bien tes châteaux psht plus rien. Oui, et alors ? Le temps du rêve tu étais riche comme crésus et tu en as bien profité non ? Chaque chose en son temps. Mon plan c’est pas fumer des pipes d’opium, jusqu’à en crever, mon plan c’est utiliser nos moments de disponibilités mentales pour faire de notre vie un paradis.

Je sais que c’est choquant, que ça va radicalement contre notre sens de l’histoire, de la cohérence, oui c’est une violence insupportable contre notre sens de notre propre importance. Moi, un imbécile heureux ? Non ! Plutôt crever (brulé vif par le feu de mon jugement et de mon désir d’être quelqu’un) ! On est obsédé par la fin, la fin justifiant le chemin de croix. Si ça se finit bien alors tout est pardonné. Si ça se finit bien, une vie de souffrance a enfin du sens, et par l’opération du saint esprit voici l’extase. Si par contre elle me largue, alors finalement rien de ce qu’on a vécu n’a d’importance. L’amour était une illusion, j’ai gâché mes années avec elle ! Il faut se réveiller et se rendre compte que le moment qu’on vit maintenant à une valeur intrinsèque, il n’a pas à justifier, racheter notre passé ou je ne sais quoi. Oui il y a le travail, il y a certaines obligations, mais il y a encore de l’espace pour être heureux maintenant. Une fois qu’on a fait ce qu’on avait à faire, une fois qu’on a préparé nos affaires, on est libre. On n’a pas à souffrir les malheurs du monde, la crise, la guerre, notre espace mental, notre cœur nous appartiens, alors plutôt que d’y déverser les cloaques du monde on peut y planter nos plus beaux rêves.

Finalement je pense que s’il y a des efforts à faire c’est au niveau de notre imagination, de nos capacités de visualisation, car c’est bien plus simple de vivre ses rêves que chercher à les matérialiser. En bonus si on croit aux principes du transurfing, ces belles émotions que l’on nourrit encore et encore elle nous oriente naturellement vers notre meilleure vie, les coups de chance les plus dingues.

En s’autorisant à rêver, on va aussi gagner en clarté sur ce qui nous fait vibrer, sur ce qui fait chanter notre cœur. Il y a tant de gens qui n’ont de clarté que sur ce qu’ils veulent éviter et ça, ça s’accompagne généralement d’une vie qui ressemble à une fuite ou a une course d’obstacle où l’on cherche à distancer nos démons et nos cauchemars jusqu’à tomber d’épuisement. C’est une vie qui vide. Alors qu’en rêvant on gagne en clarté sur ce vers quoi nous voulons tendre.

« Il n’y a pas de bon vent pour celui qui  ne sait pas où il va ». Parmi tous les dictons de mon père c’est sans doute celui qui m’a le plus marqué (et oui il n’était pas 100% hakuna matata, c’était un être humain pas un personnage de dessin animé). Et je crois que qu’en trouvant le bon dosage, en esquivant les ambitions démesurées, les rêves en forme de condition sine qua none de notre bonheur comme l’apathie complète du fumeur d’herbe ou d’opium, nos rêves nous donnerons un sens de direction qui nous permettra de ne pas laisser passer les perches que la vie va nous tendre.

J’ai bien conscience qu’une méthode en deux lignes, même étalée sur plusieurs pages ne saurai tout couvrir de la vie et de ses milles facettes. Je crois qu’il y a beaucoup à dire sur nos mauvaises habitudes et plus particulièrement sur cette partie de nous tapie dans l’ombre, celle qui ne veut pas du bonheur, celle qui même en connaissant les astuces, même en les ayant mis à l’épreuve et vérifiée finit par moment par dire non, j’ai envie de colère de mépris et de haine. De cette partie de nous qui a envie de pleurer alors qu’on se sent plutôt bien, mais ça, ça sera pour une autre fois.

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