Ho’oponopono

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J’ai tendance à être dur avec moi-même… et avec les autres. Ce que j’avais intégré comme un code de conduite me poussant inexorablement vers l’excellence et la concrétisation de mon potentiel s’est avéré être un joug mortifère. Celui-ci, à grand renfort de jugements à l’emporte-pièce a vidé le plaisir du partage à sa plus simple expression. Et même en interne ces hautes aspirations ont fait que quelque soient les efforts et les réussites, je n’arrivais pas à mettre une quelconque distance entre moi et un fort sentiment d’échec.

Coralie Jaramillo, une collègue (une thérapeute en énergétique) sentant intuitivement le problème m’étouffant, m’avait recommandé d’être moins dur avec moi-même ce qui m’a fait vriller direct. Dans ma tête ça a dit « Voilà un conseil digne d’un ‘mais détendez-vous donc !’ assené à une personne en pleine crise d’angoisse, gnagnagnagnagna ». Mais dans la foulée, elle me suggéra de me pardonner et plus précisément recommanda la méthode ho’oponopono.

Quelques années auparavant, explorant différentes pratiques thérapeutiques exotiques j’avais entendu parler d’une approche hawaïenne, et un court passage par Amazon m’avait offert deux chemins : la Huna, une pratique traditionnelle ayant quelques relents chamaniques et l’ho’opononopono présenté par Joe Vitale comme une méthode révolutionnaire à la fois ancestrale et toute neuve. Vu que ce dernier est un gourou du développement personnel à l’américaine « vu à la TV » et surtout dans le film « le secret » qui a mis les lois de l’attraction au centre de l’attention de la culture globale, je dois avouer ne pas avoir fait grand cas de ce deuxième chemin.

faire de la pub pour un livre, sur la couverture du livre en question … champion du monde les gars de « le dauphin blanc »

Prenant le conseil de ma collègue au sérieux, j’ai fait quelques recherches et j’ai vu que l’ho’oponopono s’était creusé une petite niche dans notre culture. Le moteur de recherche avait bien des liens à m’offrir, et chacun d’eux racontait à peu près la même histoire. Ihaleakala Hew Len un psychologue a réalisé un véritable miracle dans une unité psychiatrique. Sans rencontrer le moindre de ses patients, en l’espace de quelque mois, l’ambiance du service et les « pensionnaires » ont commencé à évoluer jusqu’au point de devenir méconnaissables. La violence omniprésente s’est progressivement dissipée, les patients ont gagné en autonomie, l’absentéisme et le turnover du personnel soignant s’est retrouvé considérablement réduit… même les plantes se sont mises à mieux pousser et les canalisations à mieux fonctionner.

Mais qu’elle est cette méthode qu’il utilisait, enfermé dans son bureau ?

Les articles sont un peu vagues et même le livre de Joe Vitale n’approfondit pas à 100% le sujet. Parmi les milles allusions à ses ouvrages précédents et autres pubs pour des produits dérivés, l’auteur nous apprends que lorsqu’on fait la formation officielle, on signe un contrat de confidentialité et donc il n’a pas le droit de partager avec nous tous les secrets. Par contre il nous concède une version basique de l’ho’oponopono et le référentiel qui va avec, ce qui doit tenir grosso modo sur deux pages. Le reste du livres est passé délayer la sauce et à nous expliquant comment l’auteur a réussi à traquer le psychologue devenu formateur, prendre part à ses stages, et à développer une relation privilégiée avec lui.

Ce que ce dernier a fait, enfermé dans son bureau, c’est qu’il a lu les dossiers des prisonniers et qu’il a travaillé sur lui-même. L’idée centrale de cette philosophie qu’il a hérité d’une autre habitant d’Hawai : Morrnah Simeona, thérapeute de profession c’est que tout ce qu’on voit autour de nous n’est qu’un reflet, une mise en situation de nos propres problématiques. La vie c’est une suite de répétition de mémoires problématiques non réglées qui défilent déguisées de différentes manières. Pour guérir, il faut prendre à 100% la responsabilité de ce qui nous arrive, et profiter de chaque chose qui se présente à nous de manière dérangeante, sous forme de fantasme ou « réelle », pour nettoyer la mémoire qui se cache derrière. C’est une philosophie qui n’est pas sans rappeler des choses vues en orient, et popularisées chez nous par le new age et consort. Personnellement je trouve que la connexion avec « un cours en miracle », par exemple, est frappante.

Morrnah Simeona n’a pas inventé l’ho’oponopono.  (mot Hawaïen qui veut dire « rectifier la situation ») Elle a adapté au travers de la philosophie décrite plus haut une méthode traditionnelle de résolution de conflit. Dans sa version ancestrale, ça se joue dans un groupe comme une famille, une tribu, un village, … il y a une personne qui guide la séance, et qui va passer le relai entre les différents participants. Cet animateur va aider à faire formuler le problème, en étudier les conséquences faire émerger des solutions, et grâce à un consensus les faire appliquer. Dans la version modifiée, appelée Self Identity Ho’oponopono le solipsisme à tout avalé, plus besoin de groupe ni d’animateur, le problème est toujours le même, c’est une mémoire non digérée, et la résolution est toujours la même : le nettoyage de celle-ci.

Nettoyage ??? Mais encore ?

Parmi les plusieurs techniques offertes par Morrnah, et son successeur Ihaleakala pour la modique somme de ??? (Information manquante, car les stages ne sont actuellement plus proposés par leur « association ») il y en a tout de même une dans le livre qui se joue en quatre phrases adressées au divin :

Je t’aime

Je suis désolé

Pardonne-moi s’il te plait

Merci.

Il y a même une version courte qui se limite à dire « je t’aime. »

En quoi ça nettoie quoi que ce soit ? le « Je t’aime » ces trois mots galvaudés conservent encore une sacrée force d’action, ils nous mettent en dévotion, il y a quelque chose de perceptible qui se passe quand on les adresse au divin. Quelque chose qui nous met au diapason et qui active notre cœur. Il ne s’agit pas d’aimer la pizza ou notre partenaire dans la mesure où il veut bien se soumettre à une liste d’impératifs longue comme notre bras, c’est un amour pour la totalité, qui même s’il nous dépasse, reste une constante de l’univers. Les nuages n’empêcheront jamais le soleil de bruler.

Le « je suis désolé » c’est une manière de dire qu’on prend nos responsabilités (concept dur à avaler quand on perd un être cher, ou qu’on subit une ignominie)

Le « pardonne moi s’il te plait », est pour moi là où ça connecte le plus avec « un cours en miracle » : nos capacités conscientes à pardonner sont extrêmement limitée et si l’on veut se libérer d’une blessure il faut que l’on demande au divin de nous aider.

Ces quatre phrases deviennent un mantra pour l’utilisateur de la technique, et sont utilisées par celui-ci des dizaines de fois par jour. Le but est de saisir toutes les occasions pour nettoyer les mémoires et ainsi faire de la place pour l’inspiration divine.

Contrairement aux démarches volontaristes dans la lignée des lois de l’attraction où l’on redouble de ruse pour plier l’univers à notre volonté à grand renfort de prières et d’intentions bien formulées, le but est de se perdre dans le divin, de devenir un outil propre dans ses mains. Un projet qui en ferait crier plus d’un. Quel outrage ! Cependant il ne s’agit pas de rentrer en religion et de se soumettre à l’interprétation d’un « élu » d’un texte « sacré », il s’agit à en croire Vitale, Huen, Simenoa et consort d’entendre enfin la seule chose vraie, la seule chose vivante en nous. Le reste n’étant que les échos de cauchemars passés.  

Joe Vitale et Hew Len dans « zéro limite », expliquent que ce que l’on croit être notre volonté, étant le fruit de notre conscient est biaisée par un manque d’information. Pire encore, on la croit « notre » mais il semblerait fortement à en croire l’expérience du neurologue Benjamin Libet, que nos pensées et nos impulsions émanent de notre inconscient, et que finalement notre conscience ne fait que de leur donner forme et justification à posteriori. Autrement dit nous sommes menés par le bout du nez par une force insondable, une synthèse de nos expériences passées ordonnées par un algorithme pas vraiment transparent, et nous, nous croyons être en charge de notre vie et de nos pensées. Depuis des milliers d’années on court dans tous les sens à chercher le bonheur dans l’accumulation de biens de services et de relations. Loin d’être découragés par le manque de succès durable de cette approche, on insiste jusqu’à notre dernier souffle, persuadés de savoir ce qui est bon pour nous.

A titre personnel j’aime beaucoup ce mantra. Dire « je t’aime » ça a l’air de trois fois rien mais souvent cette affirmation est lourdement chargée. Il est difficile d’être dans le don total, de ne rien attendre en retour, et finalement l’aspect transactionnel de la déclaration finit par tout dévorer. Pouvoir le dire sans retenue, sans attente, sans angoisse, ça vaut son pesant de cacahuètes 😉.

Beaucoup de gens ont du mal avec la seconde proposition, ils la voient comme clairement négative, créatrice de sentiment destructeurs… de désolation. Je comprends cette attitude mais en même temps elle me chiffonne un peu. Pour moi cette proposition connecte avec la nécessité d’humilité, de poser un genou à terre, de prise de responsabilité. Même si éventuellement la décision n’a jamais été prise consciemment et donc techniquement notre ego n’est pas « responsable ». J’ai l’impression que comme ça je suis solidaire de ce que je crois être sur le moment comme de tout ce que j’ai été et ce que je serai.

« Pardonne-moi s’il te plait », est dans la droite lignée de la proposition précédente, c’est un appel à l’aide, c’est une main suppliante. Encore une fois c’est choquant quand on est dans une démarche de recherche d’autonomie… mais c’est un bon moyen d’éviter d’être dans je n’ai besoin de rien ni de personne, je suis au-dessus des contingences de cette existence. On est ici-bas, on n’est pas tout puissant, en tout cas pas le moi qui croit penser par lui-même, et du coup tendre la main au divin c’est aussi se tendre la main à soi-même.

« Merci » ça aussi j’adore. Être dans la gratitude, c’est prendre le temps de profiter, de jouir de ce qui est.  Alors, oui, dire que le fameux nettoyage fait partie de « ce qui est » ça peut sembler prématuré. Il est difficilement mesurable, et même en admettant qu’il soit réel, puissant et libérateur, dire « merci » pour quelque chose qui est en cours c’est peut-être mettre la charrue avant les bœufs. Mais il faut avoir en tête qu’on n’est pas en train de travailler sur le monde objectif, mais sur la manière dont on vit les choses, on est en train d’essayer de se reprogrammer… et donc vivre ce nettoyage comme un fait accompli, dire merci, c’est injecter de l’énergie dans cette vision c’est lui donner une forme de réalité dans les confins de notre conscience.

Oui ça peut résonner comme de l’autosuggestion, un bourrage de mou de mou en règle, mais pour moi ça va largement au-delà de la méthode coué. C’est se connecter au problème qui lui aussi est une vision de l’esprit (car le problème est avant tout dans la manière dont on fait l’expérience de la réalité « objective ») et ajouter de la lumière, de l’amour et de la paix là où il y avait surtout de la souffrance. Du coup même si vous êtes allergique à toute idée de transcendance et de divin pouvant vous aider à atteindre la grâce, à un niveau purement psychologique l’impact positif fait totalement sens.

Bref… même si cette méthode ne peut se substituer à un travail (personnel ou non) d’exploration et de libérations peut être plus spécifiques, c’est un outil vraiment sympa à utiliser sans modération. Merci Coralie pour ta proposition.

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