« Ton autre vie » de Frank Lopvet

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Dans son premier livre « un homme debout », Franck Lopvet nous avait offert une malle pleine de trésors. L’ouvrage, un long entretien avec Christel Seval couvrait un large champ et énonçait bien des idées intéressantes d’une manière fraiche. M. Lopvet est un conférencier chevronné, il a une langue agile et percutante, c’était un plaisir de l’écouter comme de le lire.

Pour « ton autre vie », il laisse le dispositif de l’entretien pour nous parler de manière directe. La langue est plus écrite, le propos est plus structuré, les idées y sont largement moins nombreuses mais ce n’est pas nécessairement un mal, car étant fondamentales il est vraiment important de s’attarder sur chacune d’elles afin qu’elles ne finissent pas par nous passer au-dessus de la tête et de nos yeux émerveillés.

« Ton autre vie » se veut être un livre nous offrant les règles du jeu de la vie, un ouvrage nous offrant une série d’idées outils pour changer la manière dont nous la vivons. Ces principes ne sont pas fondamentalement novateurs, mais un intérêt de ce livre plutôt court réside dans sa capacité à en faire un système cohérent et suffisamment clairement développées pour les rendre facilement applicables. Un autre point fort est la capacité de l’auteur à puiser dans des courants académiques, thérapeutiques, spirituels ou du développement personnel sans se laisser alourdir par de la haute technicité, des aspects dogmatiques, où la compulsion à gagner, grandir et se dépasser qu’on peut trouver dans ces genres de littérature. Cette capacité à parler de manière claire et directe lui permet de s’en sortir aussi bien devant le public venu le voir en conférence que dans un interview sur Fun Radio ou un exposé TED talk.

Idées développées :

On ne fait pas l’expérience du monde mais celle de nos sentiments face au monde. Et si on a envie de partager notre vision du monde, de se voir confirmer par les gens autour de nous, la vérité c’est qu’il y a autant de ressentis devant une situation qu’il y a de gens sur cette terre. Notre expérience est solitaire… ce qui ne veut pas dire qu’elle doit être malheureuse.

Notre identité telle qu’on la perçoit est basée sur un choix très spécifique de souvenir. Cette identité, cette agglomération de toute ces qualités qui font de nous quelqu’un de bien elle n’est pas vraie ou fausse, elle est juste incomplète. (plus sur le sujet : Transforming yourself (1) )

Pour maintenir cette légende personnelle, il va nous falloir gommer comme dans une transe hypnotique ce qui semble la contredire.

En plus de tordre notre perception de ce qui est devant nous, cette légende nous guide vers personnes et des expériences de vie qui vont la valider.

Il y a de fluidité dans ce processus de perpétuelle auto validation, si généralement on s’enferme de plus en plus, et se rigidifie dans nos positions il est aussi possible de gagner en liberté. A chaque fois qu’on croit qu’on est une chose, il faut faire l’effort de se réveiller et de prendre le temps de regarder honnêtement les contre exemples. Avec un raisonnement binaire avoir une qualité c’est ne rien à voir avec le défaut opposé, on a l’un OU l’autre, Frank Lopvet incite le lecteur à sortir de cette opposition qui s’appuie généralement sur une bonne dose de refoulement, pour passer à du ET. On peut être généreux et radin, tout dépendra des circonstances et de l’humeur du moment. L’idée et de ne pas se priver de certaines cartes de notre jeu par attachement à notre rôle de héro à 100% vertueux.

Ceci dit c’est difficile de trouver en nous même nos pulsions, qualités et capacités refoulées, heureusement à chaque instant le monde nous provoque en nous tendant un miroir nous permettant ce que notre œil seul ne saurait voir.

Ce qui se passe dans notre vie, ce qui va nous faire réagir, n’est qu’un reflet de ce que nous sommes, consciemment et surtout inconsciemment. Les traits qui nous agacent tant (voire pire) dans le gens et les situations sont autant d’occasions de voir enfin ces parties de nous-même que nous avons bannis de notre conscience.

Les traumas provoquent des surcharges de notre système et une partie de l’émotion sera vécue l’autre laissée en standby dans ce qu’on appelle la mémoire cellulaire. On va chercher à vider cette dernière en vivant des situations nous permettant de vivre exactement la même émotion.

Pour peu qu’on vive pleinement l’émotion se présentant à nous l’analogue stockée dans nos cellules va être aussi progressivement libéré. Cependant certains processus psychologiques naturels font que souvent on rate ces occasions et que l’on bloque les émotions présentes : distraction (on se concentre ailleurs), rationalisation (en cherchant du sens à ce que nous vivons, nous cessons de le vivre pleinement en nous réfugiant dans notre intellect), réaction (en cherchant le responsable de ce qui vient de se passer, et ainsi en oubliant que ce qui nous blesse ici c’est NOTRE réaction, on va sortir de notre émotion et lui substituer de la colère).

On n’a pas une vie, on est une vie. Notre vie, pas dans les faits mais plutôt dans ce qu’ils nous font ressentir est pure expression de ce que nous sommes.

Cesser de vouloir jouer un rôle, comme celui de la personne que nous sommes censé être, c’est sortir d’une prison, c’est se défaire d’une lourde armure, et ça n’est pas sans provoquer des craintes. Qu’est ce qui va m’arriver si je me montre vulnérable ? Est-ce qu’on ne risque pas de me tomber dessus ? Cette crainte parle plus de la violence qu’on a pu avoir pour nous même, de l’intolérance dont on a pu faire preuve envers ces parties de nous-même qui dépassaient du personnage. La spontanéité évacuée depuis qu’enfant on a choisi de vouloir être grand, a besoin d’être rapprivoisée. Faire les choses par choix et amour véritable et non par obligation et conformisme, ce n’est pas évident et on peut s’attendre à pas mal de rechute.

Même si ce qui nous arrive dans notre vie a tendance à découler de ce qu’émettent les parties de nous même que nous avons appris à occulter, ces évènements demandent une réponse vraie. Il ne faut pas refouler sa colère ou sa tristesse écrasé par le poids d’une vision spirituelle, ne serait-ce que par ce que tout ce qu’on refoule va revenir dans la tête tôt ou tard.

Proposer une fiche résumant les idées principales du livre pourrait fleurer bon le spoiler, et retirer l’envie de l’acheter et l’intérêt qu’on pourrait éprouver en le lisant, mais ça serait ignorer le fait que l’intérêt du livre est majoritairement ailleurs. Il est dans son développement et dans la répétition. Ce n’est pas un livre à lire une seule fois, il faut faire fi de notre appétit immodéré pour le neuf et la nouvelle idée clinquante à la mode. Avant de lire le livre je connaissais déjà tous ces principes à l’exception d’un seul qui m’a un rien interpelé (voir critique amazon) et pourtant je ne pense pas avoir perdu mon temps. Ces idées simples, s’inscrivent contre des années de conditionnement et de mauvaises habitudes cognitives, et avant de faire leur chemin et de révolutionner notre vie elles doivent être reprises encore et encore, méditées, discutées et surtout appliquées !

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